Au regard de ses précédentes offrandes, il était écrit qu’un jour Dornenreich enfanterait un album totalement acoustique. C’est chose faite avec In Luft Geritzt. Jusque là chantre d’un black metal expressionniste aux atours parfois folkloriques, le duo germanique a cette fois-ci choisi pour exalter l’art noir une expression résolument minimaliste. Une guitare sèche pour les fondations, un violon, aux accents parfois presque tziganes comme vigie pour guider le pèlerin que des forces païennes et ancestrales ont entraîné sur ce chemin rarement raviné, l’ensemble accompagné par des interventions vocales davantage murmurées que chantées, lesquelles, de part la manière dont elles se greffent aux morceaux, leur confèrent un caractère quasiment instrumental (le second disque de l’édition limitée, qui offre d’écouter les mêmes pistes privées cette fois de chant, le démontre bien), telle est l’architecture de ce sixième opus que structurent dix chansons, écrin désincarné pour accueillir le thème d’Eros et Thanatos qui en forme le fil rouge. Celles-ci, dépouillées ce qui ne veut pas dire qu’elles sont simplistes, sont de véritables vecteurs émotionnels ; elles suintent le sentiment profond d’une tristesse sourde et organique.
Parfois proche des derniers Empyrium, pour le côté acoustique et les textes déclamés dans la langue de Goethe, de In Luft Geritzt ruisselle une telle beauté contemplative qu’il ne peut que toucher l’âme autant que le cœur. Ses dix chapitres, qui ne nouent en réalité que bien peu de liens avec la musique à laquelle ils sont pourtant rattachés, à la fois entraînants et désespérés, toujours enchanteurs, semble former un récit qu’il est préférable de ne pas aborder par petits bouts ; ils forment un tout homogène et cohérent dont il serait criminel d’en détailler chacun des pans car une bonne part sa magie alors s’évaporerait. Dornenreich a toujours occupé une place singulière au sein de la scène black metal ; cet essai vient renforcer encore un peu plus cette position, dont le groupe se satisfait par ailleurs très bien tant il est habité par une soif de liberté artistique et d’expression unique qui lui octroie une part de sa richesse. In Luft Geriztz a quelque chose d’une déambulation onirique et mystérieuse dans un univers étrange, irréel et intemporel que seuls les plus ouverts d’entre vous pourront suivre, un espace ouvert, non figé et donc propice à toutes les interprétations, à toutes lectures possibles. Avec intelligence, Dornenreich donne quelques pistes mais surtout pas les clés qui permettraient de le dévoiler en totalité. A chacun de tracer son propre chemin, sa propre voie dans ce disque faussement limpide et naïf qui en appelle à l’introspection et au recueillement de soi… (2008) ⍖⍖
A lire :
Commentaires
Enregistrer un commentaire