Déjà, il y a ce nom, Regarde Les Hommes Tomber, curieux, qui évoquera chez certains le premier film de Jacques Audiard mais fait surtout référence au mythe divin de l’homme dans sa quête démiurgique et sa chute inéluctable, indice précieux quant à la personnalité de ce nouveau projet où les individualités s’effacent au profit d’un ensemble, d’un bloc aussi bien humain que sonore. A peine sait-on que ces Français ont de la bouteille, ayant promené leur métier au sein de la chapelle noire hexagonale. Cette expérience détermine à la fois un travail déjà impeccable pour un premier opus et surtout un désespoir sincère collé à la peau de musiciens développant une vision du monde crépusculaire. Forcément. Loin du Black Metal, encore qu’on en retrouve quelques oripeaux dans le chant hurlé, certaines lignes de guitare ou bien dans ces poisseuses accélérations (« Ov Flames, Flesh And Sins »), Regarde Les Hommes Tomber explore les arcanes d’un Sludge Doom nihiliste. Terreux et suffocant, tendu comme une verge que sillonnent des nervures gonflées du fluide de l’inexorabilité. La courte durée – une petite quarantaine de minutes – de l’œuvre participe de cette sourde intensité qui s’installe dès ce prélude instrumental que vrillent des guitares sécrétatoires d’un désespoir infini. « Wanderer Of Eternity » ressert cet étau qui ne nous lâchera plus par la suite.
Classique dans son expression d’un Sludge énervé, cette pulsation porte pourtant déjà les germes d’une signature plus personnelle, laquelle est à rechercher dans ces racines Black Metal justement, qui affleurent à la surface aboutissant à des modelés qui échappent à la catégorisation, s’affranchissent des règles, détruisant les barrières entre Doom et art noir. De fait, certaines pistes ne doivent rien ou si peu au genre auquel elle sont censées se rattacher, à l’image du terminal « The Fall » que perforent des coups de boutoir frénétiques. Irrigué par une puissance rentrée qui explose par moment («Thousant Years Of Servitude»), Regarde Les Hommes Tomber épouse une trajectoire funeste sans espoir de retour, ce qui lui confère la forme d’un tout indivisible dont tous les titres sont des comme des pièces qui s’emboîtent les unes aux autres. Dynamiques en cela qu’elles reposent sur une architecture tourmentée, de ses compos émane toutefois une espèce de beauté triste, à l’image de « Sweet Thoughts And Vision » qui loin d’en amoindrir la douloureuse portée, l’amplifie encore davantage car elle se fait l’écho d’une ambition contrariée, brisée. Un très grand disque de la part d’une formation dont on n’a pas fini pas d’entendre parler ! (26.03.2013) ⍖⍖⍖
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