KröniK | Ars Diavoli - Clausura (2010)


Un bilan s'impose. Que reste-il en effet aujourd'hui, entre les pourvoyeurs de spleen américains (Xasthur, Leviathan, Velvet Cacoon...) qui ont tous fini par rejoindre leur dernière demeure, un Shining qui ne fait plus à personne depuis bien longtemps, un Forgotten Tomb qui se tourne vers Black Sabbath ou un Striborg en mode photocopieur (ce qui a toujours le cas), de toute cette chapelle noire et suicidaire qui a su fournir aux plus dépressifs d'entre nous de quoi ruminer notre mal-être ? Pas grand chose en définitive. Mais il existe encore des misanthropes qui exaltent les pulsions les plus mélancoliques mais il faut orpailler dans les marais les plus underground pour les dénicher. Inconnu en dehors de son immeuble, le mystérieux Vilkacis redonne à lui tout seul des couleurs (si tant est que le noir en soit une) au genre. En 2008, son one-man band, Ars Diavoli livrait avec Pro Nihilo Esse, un monument de douleur dont on se demandait comment il pourrait faire mieux par la suite. Interrogation vaine, on s'en rend compte aujourd'hui, tant son successeur réussit l'exploit de le surpasser en terme de décrépitude absolue. En effet, avec Clausura, le Portugais pousse à son paroxysme cet art de la douleur pétrifiée. L'album en entier, ne forme qu'un interminable râle de désespoir, il est un cri de haine envers la société dans laquelle nous vivons, rongée par une maladie insidieuse que l'on nomme le conformisme. Ces longues plaintes exsudent une telle noirceur qu'il est permis au final de se demander comment Vilkacis peut encore être parmi nous. A moins que celui-ci, et c'est probable, trouve en Ars Diavoli une manière de catharsis.


L'homme y hurle toute sa tristesse comme si demain ne devait plus exister tandis que ses riffs froids et grésillants nourris de cet humus burzumien si précieux râclent les chairs tels des scalpels rouillés. Il suffit d'écouter le douloureux "Retrato" pour mesurer la puissance dépressive de cette ode à la mort. La six-cordes y tisse une toile dont chaque fil est une note désespérée. Dès "Subito Vazio", l'auditeur est pris à la gorge, avant d'être traîné dans un puits sans fin que ne filtre aucun rai de lumière. Plus le disque progresse plus il s'enfonce dans un abîme de douleur dont on sait très bien qu'aucun retour en arrière ne sera possible. Chaque composition est une marche supplémentaire vers une issue que l'on devine fatale. Moins furieusement Black Metal que ne l'était Pro Nihilo Esse (sauf peut-être le temps du rapide - tout est relatif - "Momento"), Clausura préfère ramper dans les caveaux humides aux confins d'un Doom mortifère. D'un nihilisme absolu peut-être mais cette seconde offrande ruissèle une forme de beauté déchirante et ténébreuse, le sommet étant atteint avec les tragiques "Para La Do Silencio" et "Ausente" qui, s'enchaînant l'un à l'autre, plongent dans une obscurité éternelle tout ce qui les entoure. Ils évoquent ces longues nuits d'hiver où le givre finit par lécher les carreaux des fenêtres, où la vie semble être engourdie par le brouillard. De fait, il faut ne jamais avoir connu la douleur pour ne pas se sentir touché par cette musique qui propulse la désolation au rang d'art. Sans doute le disque de Black Metal dépressif le plus tourmenté - et donc le plus réussi - avec le Förlorad de Svart sorti depuis un an, Clausura est de ces albums qui vous hanteront pendant longtemps. Et si Ars Diavoli devait stopper là sa carrière, qu'il aurait tout de même gagné sa place au panthéon du genre. (2010 | MW) ⍖⍖⍖⍖



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