A
première vue, cette septième réalisation de Clint Eastwood semble très proche
de la série des Doux, dur et dingue et Ca va cogner : même équipe de comédiens,
l’Amérique provinciale, bagarres dans les bars et musique country. Ce
rapprochement n’est pas tout à fait exact, tant Bronco Billy s’avère beaucoup
plus adulte et intéressant. D’une certaine manière, le film s’inscrit dans la
tradition de la comédie américaine avec son couple qui d’abord ne cesse de
s’affronter avant de tomber amoureux. Ainsi, Billy et Antoinette ne sont pas si
éloignés des héros de New York – Miami de Frank Capra par exemple. Mais le cœur
de l’histoire s’articule avant tout autour de Bronco Billy, personnage
attachant qui révèle peut-être plus qu’aucun autre rôle le vrai Clint. Comme
souvent chez le cinéaste, ce (anti) héros est un marginal, dirigeant un Far
West ambulant, sorte de Buffalo Bill moderne (l’acteur n’est d’ailleurs pas
s’en évoquer Joel McCrea dans le western éponyme de William Wellman, un de ses
maîtres). C’est un homme tendre, naïf parfois mais toujours généreux qui
n’hésite pas à se faire humilier afin de faire sortir de prison un de ses
compagnons. Avec son cirque de seconde zone, loin de la flamboyance et du
triomphalisme chers à Cecil B. DeMille dans Sous le plus grand chapiteau du
monde, Bronco Billy McCoy est un perdant, mais un perdant magnifique qui
cherche à aller jusqu’au bout de son rêve. Deux de ses répliques résument le
film et le personnage : « Je suis l’homme que je veux être » et « On a qu’une
seule existence. Il ne faut pas en faire une corvée ». Tout Eastwood se trouve
dans ces quelques mots.
Autour de lui gravitent une équipe de bras cassés comme
lui, ayant tous plus ou moins fait un séjour derrière les barreaux à un moment
ou à un autre de leur vie. Tous ensemble, ils forment une petite famille
parcourant cette Amérique profonde que le metteur en scène aime tant filmer. Il
y a toujours chez Eastwood cette opposition entre la famille naturelle que l’on
subit et celle, plus heureuse, qu'on reconstitue et dont le ciment se trouve
dans l’amitié ou dans l’amour. Œuvre très personnelle dans la carrière du
cinéaste, Bronco Billy présente de nombreuses analogie avec un autre de ses
films majeurs : Million Dollar Baby. Bien sûr, le premier est une comédie et
l’autre, pas. Mais au delà de cette différence, on ne peut que noter la
proximité entre Billy, patron d’un cirque miteux entouré d’un petit groupe de
gens haut en couleur, et Frankie Dunn, propriétaire d'une modeste salle de boxe
de quartier que peuplent de jeunes sportifs en marge de la société. Leonard le
déserteur, victime d’une enfance brisée, que Billy a recueilli et a formé au
point de devenir pour lui presque un fils, nourrit aussi de nombreux points
communs avec la boxeuse Maggie Fitzgerald, jeune femme qui retrouve le père qui
lui manque à travers son entraîneur. Dans les deux cas, il s’agit de
personnages hantés par leur passé et qui cherchent à vivre leur rêve. Eloge de
l’Amérique traditionnelle et des valeurs qui l’ont façonné (comme le montre le
chapiteau constitué d’une centaine de Bannières étoilées), Bronco Billy est une
œuvre totalement à contre courant du cinéma contemporain, ce qui lui confère
une valeur supplémentaire. En le regardant, on pense beaucoup à Frank Capra,
dont le film est un des plus beaux hommages de ces dernières décennies. Comme
chez l’auteur de L’extravagant Mr Deeds, il y a cette opposition entre les gens
simples et généreux (Billy et sa petite famille) et de l’autre, les requins
obsédés par l’argent (la famille de Antoinette Lily qui désire mettre la main
sur sa fortune). De même, le triomphe des bons sentiments et la confiance dans
le rêve américain forment un terreau commun à l’œuvre de Capra et au film de
Eastwood. Quand il sort sur les écrans, Bronco Billy est alors la plus grande
réussite du cinéaste depuis Josey Wales hors-la-loi en 1976 et une des œuvres
qui lui est le plus cher. Mais il n’a pas rencontré le succès escompté, le
public s’attendant peut-être à une nouvelle aventure à la Doux, dur et dingue
et non pas à cette comédie d’un autre temps et d’une simplicité exemplaire... (2005) ⍖⍖⍖
Commentaires
Enregistrer un commentaire