CinéZone | John Ford - Les Cheyennes (1964)


Ultime western réalisé par l'un des maîtres du genre, Les Cheyennes se révèle être un western au ton grave, presque crépusculaire, comme le suggère son magnifique titre original, Cheyenne Autumn. Ce n'est pas pour autant une oeuvre démythificatrice. John Ford reste fidèle à la grandeur de l'Ouest qu'il n'a eu de cesse de respecter tout au long de sa carrière. Seulement, cette fois-ci, c'est un tableau très noir de la conquête de l'Ouest et de la fin des guerres indiennes que le réalisateur nous dépeint. Loin de tout manichéisme, les Cheyennes ne sont pas représentés comme des barbares, des brutes sanguinaires et survoltées mais comme des victimes du blanc colonisateur et menteur. Mais John Ford refuse de sombrer dans un schématisme réducteur. Ainsi, les blancs ne sont pas tous des êtres fourbes, le portrait se veut plus nuancé. Certains soldats sont des hommes bons, tel le capitaine Archer, interprété de façon très sobre par Richard Widmark, d'autres, beaucoup moins, préférant parquer les Indiens et les laisser mourir de faim comme l'envisage le capitaine Wessels joué par Karl Malden. Et il en va de même des politiciens qui ne se moquent pas tous du sort de la nation indienne. Néanmoins, le réalisateur porte un regard désespéré sur l'Ouest dans ce film qui s'achève par bonheur sur une note optimiste, avec la signature de la paix rendue possible par l'action du ministre Carl Schultz , campé par le toujours impeccable Edward G. Robinson. Malgré ses louables intentions, Les Cheyennes déçoit pourtant quelque peu. Bien sûr, John Ford livre à nouveau une mise en scène irréprochable, à la fois classique et pure, pleine de noblesse, loin du travail banal fourni pour Les deux cavaliers (1961). Bien sûr, tous les comédiens se révèlent parfaits. Mais il n'en demeure pas moins que le film n'est pas très attachant ni exempt de longueurs. Au milieu de cette atmosphère aride, les scènes à Dodge City apparaissent presque salutaires. Le passage humoristique mettant en scène James Stewart cocasse en Wyatt Earp, secondé par Arthur Kennedy en Doc Holliday, est réellement savoureux. Cet intermède semble curieux mais finalement bienvenu, comme si le vieux maître avait senti qu'il fallait insuffler un peu de légèreté et d'humour à un ensemble bien austère. Hommage à un peuple meurtri, Les Cheyennes marque donc, après une impressionnante série de chefs d'oeuvre (La chevauchée fantastique, La poursuite infernale, Le massacre de Fort Apache, La prisonnière du désert, L'homme qui tua Liberty Valance), la dernière incursion de John Ford dans le western, à un moment où le genre se transforme en opéra barbare, souvent emporté par une violence gratuite et malsaine, sous l'influence des bobines italiennes. Le réalisateur ne tournera plus que deux longs métrages : Le jeune Cassidy (1965), partagé avec Jack Cardiff puis Frontière chinoise (1966). (vu le 23.01.2021)  ⍖⍖




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