CinéZone | Sergio Leone - Pour une poignée de dollars (1964)



Pour une poignée de dollars ou comment un western fauché, réalisé par un obscur metteur en scène italien qui jusque là ne s’était illustré (un bien grand mot) que dans des péplums, avec pour vedette un acteur américain de seconde zone, héros d’une série télé de surcroît, ce qui à l’époque ne valait pas grand-chose, parvient à révolutionner un genre qui commence sérieusement à fatiguer et semble avoir tout dit (exception faite de Sam Peckinpah). En effet, le film de Sergio Leone ne ressemble à rien qui ait déjà été fait, quand bien même le chef-d’oeuvre de Edgar G. Umer, Le bandit (1954), pas si éloigné. Ici, tout est différent. Clint Eastwood, dans son premier long métrage en tant que vedette, a l’air d’un fantôme glissant à travers le décor, ne lâchant quasiment aucun mot. Avec son jeu monolithique, il semble ne rien faire. Tous les acteurs sont sales, hirsutes, mal rasés et suants. Fini les cowboys proprets aux vêtements soigneusement lavés. Le film rompt également avec une certaine mythologie de l’Ouest par le biais d’un humour noir ravageur, d’une violence âpre et d’un climat malsain au bord d’un fantastique gothique (le massacre des Baxter dans une maison léchée par les flammes). Ce western est peuplé de bandits, amateurs d’alcool et d’armes à feu, ne pensant qu’à tuer, piller et violer. On peut ainsi chercher longtemps des personnages réellement positifs, à part la femme campée par Marianne Koch et quelques types pittoresques. 

Autre élément nouveau, la mise en scène faite de gros plans, de cadrages inédits, illustrant des duels à rallonge, le tout accompagné d’une musique lanscinante, mélancolique et omniprésente due au génial Ennio Morricone. Tout concourt à transformer le western en opéra baroque en une recréation de l’Ouest très éloigné des archétypes développés par Ford, Hawks et autre Walsh. Remake de Yojimbo (Le garde du corps) d’Akira Kurosawa, quelques années après le triomphe des Sept mercenaires lui aussi inspiré d’un classique du cinéaste japonais, Pour une poignée de dollars connaîtra un succès retentissant, incitant les producteurs à mettre en chantier un second volet. Armé de moyens plus considérables ainsi que d’une véritable star internationale en la personne de Lee Van Cleef, Sergio Leone pourra approfondir tous les thèmes, toutes les idées de ce premier western spaghetti, aboutissant à une œuvre plus grandiose encore : Et pour quelques dollars de plus en 1965. Quant à Eastwood, après une honnête carrière télévisuelle avec Rawhide, il accède enfin à la célébrité avec Pour une poignée de dollars et ce personnage inédit de l’Homme sans nom qui semble sorti de nulle part, redoutable tueur, ni bon ni mauvais, parfaitement individualiste et avant mû par l’odeur du dollar frais. Cependant, celle gloire nouvelle est alors essentiellement circonscrite à l’Europe. En ce qui concerne les Etats-Unis, il devra patienter jusqu’à la fin des années 60 une fois bouclée la trilogie de Leone et ses premiers succès américains engrangés avec Pendez-les haut et court ainsi qu’Un shérif à New York en 1968... (2005) ⍖⍖⍖



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