L'entretien | Thesyre (05.04.2010)


Entretien réalisé par mails avec Eric Syre le 5 avril 2010


Peux-tu revenir sur la naissance de Thesyre ? Cela a commencé comme un projet solo, je crois ? A quel moment ce projet est-il devenu un groupe ?

Thesyre est né en 1995. C'était un projet solo qui me permettait d'explorer une sonorité et exprimer des idées qui ne collaient pas aux autres groupes dans lesquels je m’impliquais à l'époque. J’ai enregistré de nombreuses démos et participé à quelques albums hommage avant de penser recruter des musiciens pour compléter une formation. La dynamique de groupe me manquait et j’étais à la recherche de musiciens qui sauraient épauler ma vision. C’est en 2001 que Thesyre est devenu un trio. Notre première démo de groupe est sorti en 2002 et notre premier album en 2003. Depuis 2006, avec l’enregistrement de l’album Exist! , Thesyre est un quatuor.


Que voulais-tu exprimer à l'époque ? Quelles étaient tes influences ?

Au Québec la majorité des groupes de l’époque (1990-1995) se voulaient des copies de groupes ayant du succès. La tendance  Death Metal très technique était encore présente et le Black Metal faisait beaucoup de vagues ici. Tout ce qui se faisait de nouveau copiait (et le faisait généralement mal en plus) ce qui était à la mode. J’avais besoin de faire à la fois un retour aux sources et de développer une sonorité qui m’était propre. La musique de groupes tels Motorhead, Sodom, Bathory et Celtic Frost a toujours eu beaucoup d’impact sur moi et cette influence s’est ressentie dès que j’ai composé mes premiers morceaux. Des groupes plus contemporains comme Darkthrone et Burzum ont aussi eu un impact sur ma vision musicale à l’époque. C’est cet hybride de Rock, de Thrash Metal et de Black Metal qui s’est avéré être plaisant à mes oreilles et qui servait à merveille de véhicule pour mes textes engagés.





Tu écris plutôt des morceaux assez courts en général sauf pour Exist ! Est-ce que cela a été compliqué de composer qu'une seule piste de plus de 30 minutes ?
 
J’écris naturelles des pièces courtes. J’aime conserver les choses simples. Toutefois, lorsque j’ai entrepris l’écriture d’ »Exist! », j’ai ressenti le besoin de créer une longue pièce avec tous ces petits extraits qui devenaient difficilement des pièces musicales uniques par elles-mêmes. Le tout s’est emboîté rapidement et a donné une pièce de plus de trente minutes. J’ai bien aimé créer des rappels avec certains thèmes et construire de variantes d’un même riff. C’était une première pour moi et je compte éventuellement répéter l’expérience. 

Tu utilises aussi bien l'anglais que le français. Pour quelles raisons ?

Il faut comprendre que le Québec est une province canadienne majoritairement francophone dans un pays majoritairement anglophone. Il y a toujours eu une certaine dualité entre les deux langues et il était important pour moi de ne pas oublier mes racines même si ce genre musical a toujours favorisé l’utilisation de l’anglais.
L’émergence et le succès des groupes scandinaves prouvaient bien que chanter dans sa langue d’origine était acceptable et efficace. C’est alors que je me suis dit que le français pourrait au moins faire quelques apparitions dans mes textes. De 2003 à 2008, une pièce par album avait un texte en français. J’ai renversé la tendance avec un album entièrement en français avec Résistance en 2009.

Que représentent la France et la langue française pour toi ?


 La France est la patrie d’origine de la majorité des Québécois dits « de souche ». Nous avons toujours conservé un certain lien avec la France bien que notre société et notre culture divergent grandement de nos jours. La langue est demeurée à la base de ce lien et encore aujourd’hui, malgré nos différences, les Québécois et les Français aiment s’appeler « Cousins ». La France politique est toutefois devenue une bien pâle copie d’elle-même ces dernières années, du moins pour moi. Elle est un triste exemple de ce qui nous attends au Québec et partout ailleurs. Comme vous pouvez l’entendre en introduction du dernier album de Peste Noire, « Il faut que la France redevienne la France ».
La langue c’est ce qui alimente en grande partie la culture d’un peuple et la nôtre est constamment menacée par un Canada embêté par notre présence et un voisin Américain qui n’en a que pour nos ressources naturelles. La pression qu’exerce notre entourage menace notre langue et, par la bande, tout ce qui reste de culture française chez nous. Je nous perçois souvent comme des Gaulois, résistant à l’envahisseur Romain.

De quelle résistance parles-tu dans votre dernier album ? Thesyre est-il un groupe engagé sinon politique ? Que signifie le patriotisme pour toi ? 

Je faisais référence à cette résistance plus tôt. Le Québec est emprisonné au sein d’une masse anglophone de plus en plus intimidante et, un jour ou l’autre (si la tendance se maintient), il sera tout simplement impossible de vivre en français ici. Cette résistance est aussi face à cet engouement pour la surconsommation dont se délecte les nord-américains en particuliers. Tout est axé sur la consommation et comme si ce n’était pas assez, on pousse les gens à en consommer encore plus! 
À cela s’ajoute la surpopulation, les famines, les changements climatiques, le politiquement correct, le fanatisme religieux, la décadence, les accommodements raisonnables, l’immigration de masse, l’anglicisation de notre société, l’exode des jeunes vers les métropoles, les gangs de rue, la surveillance électronique, la brutalité policière, le multiculturalisme à tout prix, la globalisation… Cet album se veut un cri de ralliement pour tout ceux et celles qui ont l’impression que notre monde sombre dans une folie collective et qui croient qu’il doit se produire un changement si nous voulons continuer à vivre dignement sur cette planète. Pendant que le monde dit moderne s’écroule, j’ose souhaiter qu’ici et ailleurs une résistance s’organise.
Le patriotisme ne signifiera plus rien bientôt. Qu’est-ce qu’une patrie de nos jours? Un territoire géré par un gouvernement qui marche main dans la main avec les autres gouvernements pour éventuellement s’unir dans un ordre mondial visant à globaliser les marchés et à faire de nous tous une masse de consommateurs standardisés? Quand la langue, l’origine et la culture se sacrifient aussi facilement au nom du profit il faut oublier les notions de patriotisme, de nationalisme et même de nationalité. Nous serons bientôt tous pareils, sans identité.




Quel est ton implication dans Akitsa ?
 
Je suis le batteur d’Akitsa lorsque le groupe est sur scène. Je me charge parfois de la mise en page des pochettes du groupe.

La scène québécoise semble très riche et soudée. Quels sont tes rapports avec ces formations, notamment celles oeuvrant chez Sepulchral Productions?

La scène québécoise n’est pas riche en ce moment. Elle continue de copier les grands noms de chaque genre musical. Quelques groupes font surface de temps en temps avec du matériel impressionnant et ce n’est pas nécessairement dans un créneau Metal. Je ne crois pas aux scènes musicales. Je crois que les meilleurs groupes sont ceux qui s’isolent des autres et qui mettent l’emphase sur une sonorité qui leur est propre, loin des modes et des tendances. Je ne crois pas en la solidarité artistique entre les groupes issus d’un même endroit. Artistiquement je crois fortement en la notion du un pour un, chacun pour soi.
Je n’ai aucun lien avec Sepulchral Productions ou ses formations sous contrat ci ce n’est que ce label a organisé cette tournée Peste Noire/Akitsa il y a quelque temps de cela.

Un nouvel opus de Thesyre est-il en préparation ? Êtes-vous toujours chez  Osmose ?

Nous avons déjà une dizaine de nouvelles pièces instrumentales en banque. Je travaille sur les textes en ce moment. Notre collaboration avec Osmose est terminée et je doute que nous travaillions avec un autre label dans le futur. Nous souhaitons reprendre le contrôle de tout ce qui se rattache à notre musique en ce moment. Nous prévoyons aussi continuer de partager notre catalogue gratuitement en ligne via notre site web : www.thesyre.com

Une dernière question : que symbolise votre logo ?

L’aigle dans la roue symbolise la liberté et l’accomplissement résultant du travail acharné et de la persévérance.

Un grand merci à Eric Syre


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