CinéZone | Sydney Pollack - Yakuza (1974)


S'il jouit aujourd'hui d'une aura culte, surtout depuis que Quentin Tarantino l'a cité comme référence à l'époque de Kill Bill (2004), Yakuza n'en reste pas moins un film plutôt méconnu dans la carrière de Sydney Pollack dont il ne compte pas parmi les travaux les plus personnels, ceci expliquant sans doute cela. Pour comprendre la place un peu singulière qu'il occupe dans une oeuvre où il est coincé entre Nos plus belles années (1973) et Les trois jours du Condor (1975), il convient de rappeler sa genèse, tortueuse, comme souvent à Hollywood. Au départ, il a un scénario de Paul Schrader qui développe alors un vif intérêt pour le Japon, que soulignera d'ailleurs plus tard son Mishima (1985). A cette époque, le futur réalisateur de Hardcore (1979) ou de La féline (1982) n'est pas encore passé derrière la caméra mais il se fait remarquer par les scénarios qu'il signe pour Martin Scorsese (Taxi Driver), Brian De Palma (Obsession) ou John Flynn (Légitime violence). Yakuza est son premier travail. Robert Aldrich s'y intéresse et souhaite embaucher Lee Marvin ou Charles Bronson pour le rôle de Harry Kilmer, lequel échoit finalement à Robert Mitchum. Celui-ci refuse de tourner avec Aldrich qui lui a pourtant autrefois offert un très beau personnage d'Aventurier du Rio Grande (1959). 

Pollack est engagé et impose à Schrader une réécriture du scénario que celui-ci rejette. Renvoyé, il est remplacé par Robert Towne (Bonnie And Clyde, Les flics ne dorment pas la nuit...) qui apporte les modifications réclamées. Corollaire de cette gestation chaotique, Yakuza souffre d'être tout du long écartelé entre ce que Schrader voulait raconter, récit brutal fait de sang et d'honneur et ce que Pollack en fait, un film quasi romantique, plus contemplatif que crépusculaire. Ceux qui s'attendent à de l'action en seront pour leur frais même si, dans sa dernière partie, violente et mélancolique, Yakuza laisse deviner à quoi il aurait pu (dû) ressembler si son scénario n'avait pas été dénaturé. Davantage qu'un Robert Mitchum trop vieux pour le rôle, c'est Ken Takakura  qui livre la performance la plus marquante du film. La plus désabusée également. Reste en définitive un polar qui doit son ambiance curieuse autant à son récit noir et intimiste qu'au cadre fourni par le Japon et sa culture traditionnelle qui semble déjà anachronique dans le monde des années 70. Il laisse du coup un sentiment étrange en cela qu'il hésite entre deux chemins différents, ce qui ne l'exonère pas d'un incontestable pouvoir de fascination, expliquant la renommée tardive dont il bénéfice désormais...  (18.03.2022) ⍖⍖




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