Justice sauvage appartient à ces films qui, dans les années 70, font l'apologie de l'auto-défense et des méthodes expéditives face à une justice jugée trop laxistes. Dirty Harry (1971) ou Death Wish (1974) sont les parangons de cette mode le plus souvent vilipendée par la critique qui se pince le nez en voyant ces flics faire fi du droit des voyous et autres violeurs ou ces honnêtes citoyens oser se défendre eux-mêmes ! Walking Tall y participe à sa manière tant dans la forme que dans le fond. La première est celle d'une série B de laquelle Phil Karlon ne s'est jamais extrait. Mais ses films noirs, petits par le budget mais grands par les qualités visuelles et psychologiques, déclenchent le plaisir des cinéphiles des années 50 qui vouent à juste titre un culte au Quatrième homme (1952), L'affaire de la 99ème rue (1953), tous les deux portés par John Payne ou The Phenix City Story (1955). S'il ne se hisse pas à leur niveau, Justice sauvage dispense cette brutalité sèche, ce punch rugueux, propres au metteur en scène. Après avoir employé son savoir-faire fatigué dans le western (La poursuite des tuniques bleues), l'espionnage (Matt Helm agent très spécial) ou le film de guerre (L'assaut des jeunes loups), il est surprenant mais agréable de voir Karlson à la fin de sa carrière renouer avec le polar qu'il adapte à la rudesse du moment comme l'illustrera juste après La trahison se paie cash (1975) où il retrouvera Joe Don Baker.
Dans le fond, revenge movie rustique, le film est intéressant pour son héros épris de justice mais aussi de moralité qui, de retour dans sa petite ville natale de l'Amérique très profonde, se lance dans une quête purificatrice, destinée à nettoyer des souillures du vice, du jeu et de l'alcool, ce havre de paix verdoyant, bucolique et hors du temps. Acteur puissant, Joe Don Baker compose avec son physique à la fois robuste et indolent et le gourdin qui ne le quitte jamais, ce brave américain mû par une mission quasi divine. Etendu, meurtri, les bras en croix sur le bord de la route dans une position christique, subissant tortures et douleurs émotionnelles à la manière d'une épreuve punitive, il y a quelque chose de sacrificielle dans cette soif farouche et puritaine de justice. Si la condition des Noirs dans les états du sud est esquissée, elle n'est que timidement condamnée par un film où l'action et la vengeance jubilatoires priment sur la dénonciation. En dépit de son grand succès commercial qui inspirera deux suites (avec Bo Svensson) entre 1975 et 1977 puis un remake inutile (évidemment) en 2004, Justice sauvage se révèle cependant moins fort et tendu que L'inspecteur Harry, Un Justicier dans la ville ou Self Defense (1974), ce qui n'enlève rien au plaisir gourmand qu'il suscite chez tout amateur éclairé de bobines brutales et réactionnaires. (01.05.2022) ⍖⍖
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