Habitué aux rôles de durs dans toute une série de films magnifiques, western (La chevauchée des bannis) ou polar (Le coup de l'escalier), parfois du bon côté (Nous avons gagné ce soir, Le shérif), souvent du mauvais (L'appât, Un homme est passé) mais toujours ombrageux, Robert Ryan a moins fréquenté le drame et encore moins la romance. Il se révèle pourtant étonnant dans About Mrs Leslie où, magnat mystérieux, il noue une relation à priori improbable avec une chanteuse de cabaret, femme entre deux âges au physique quelconque. Sans toutefois adoucir cette dureté perçante toujours nichée dans la triste noirceur de son regard, il fait montre d'une tendresse inaccoutumée à l'égard de sa partenaire qu'il couvre d'un amour sincère et passionné. Une profonde amertume craquelle peu à peu la carapace puissante de cet homme prisonnier d'un mariage d'intérêt qui trouve finalement le bonheur auprès d'une femme simple et compréhensive dont la vie est feuilletée au travers de retours en arrière.
Ce très beau rôle est habité par Shirley Booth, actrice peu connue dont le cinéma a peu utilisé le talent et une présence désenchantée empreinte de douceur. Loin des starlettes sexy ou des fortes têtes à la Joan Crawford, Katharine Hepburn ou Barbara Stanwyck, elle livre une performance touchante et sensible exprimant avec beaucoup de naturel la détresse, la fragilité de son personnage. De cette normalité ingrate, Romance sans lendemain tire sa force mais aussi finalement son manque de charme et de magie. Au surplus, quand il se déporte vers des intrigues secondaires, le film perd en outre de son intérêt. Mais le voile du drame vient l'assombrir, toujours avec pudeur, sans effusion émotionnelle appuyée, au détour d'informations projetées au cinéma ou sur la façade d'un immeuble. L'harmonie de ce curieux couple de cinéma associée à une délicatesse de touche et de traits font de Romance sans lendemain un des plus jolis films tournés par Daniel Mann dans les années 50 avec Reviens petite Sheba (déjà avec Shirlet Booth), supérieur dans tous les cas où plus renommés - et surfaits - La rose tatouée ou La vénus au vison. Bizarrement eu égard à ses débuts frappés d'un sceau dramatique et souvent pesant, l'action (Notre homme Flint), l'horreur (Willard) ou même le western (La poursuite sauvage) lui siéront pourtant bien davantage... (25.05.2022) ⍖⍖
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