CinéZone | Franklin J. Schaffner - Le seigneur de la guerre (1965)


Aujourd'hui considéré - à raison - comme un des plus beaux films d'aventures des années 60, Le seigneur de la guerre ne rencontra pourtant pas un grand succès à sa sortie. La Universal ne fut pas davantage satisfaite par un résultat qu'elle espérait grandiose et plein d'action et non pas aussi méditatif - quoique violent - et teinté d'étrangeté. En effet, loin du film d'aventures épiques attendu et promis par la présence de Charlton Heston, The War Lord est une oeuvre curieuse et dépeignant un Moyen Âge central de façon plutôt réaliste pour l'époque. Certes, ce n'est évidemment pas encore La chair et le sang de Paul Verhoeven (1985) mais ce n'est déjà plus les récits chevaleresques à la Ivanhoé (1952) ou Les chevaliers de la table ronde (1954) de Richard Thorpe. D'une certaine façon, nous pourrions le rapprocher des Vikings (1958) de Richard Fleischer mais il n'en possède aucunement la flamboyance. Au contraire par la modestie de ses effets, Le seigneur de la guerre trahit un refus du spectaculaire malgré l'impressionnant siège du château qui ne manquent ni de tension ni de souffle. Ainsi, l'histoire se niche dans une simple tour de guet qu'encerclent les marais et une poignée de paysans. Le chevalier Chrysagon de la Cruex qui reçoit pour fief ce petit bout de nulle part, n'est pas mieux doté, flanqué seulement de quelques hommes. De même, en dépit de la carrure dont Chartlon Heston le charpente, ce seigneur apparaît moins fort qu'il n'y parait de prime abord. Son affrontement avec Draco symbolise l'opposition entre la violence et la raison qui finalement triomphera par la mort de ce dernier et la décision de restituer son fils captif au chef des Frisons. 

Face à ses compagnons d'armes, Chrysagon témoigne d'une sensibilité et d'une faiblesse qui le mènent à sa chute. Le droit de cuissage au centre du récit conduit moins au viol de la jeune mariée qu'à l'amour mais la tragédie naîtra du sang de cette défloration qu'il s'octroie à contre coeur. S'il ne meurt pas à la fin, blessé, le corps vacillant sur son cheval, il quitte son fief en homme affaibli, vidé de son autorité. De fait, on devine que l'action intéresse moins Franklin J. Schaffner qu'une réflexion crépusculaire sur le pouvoir, l'amour et la mort. Que le film soit tiré d'une pièce de théâtre ne surprend donc pas, enrichi pour des raisons commerciales par un zeste d'érotisme et la longue séquence de l'attaque de la tour. Daniel Mann est d'abord envisagé pour le réaliser, auquel Charlton Heston préfère cependant Schaffner qui l'a dirigé en 1951 dans une dramatique télévisuelle (Macbeth) et qui vient alors de signer le remarquable Que le meilleur l'emporte (1964). A l'instar de Sidney Lumet ou de John Frankenheimer, il compte parmi ces metteurs en scène qui ont fait leurs armes à la télé avant de rénover dans les années 60 le cinéma hollywoodien qu'ils balaient d'un vent plus réaliste sinon démythificateur. Schaffner livre ainsi un travail sombre et puissant qui tire aussi son pouvoir de fascination de la photographie automnale de Russell Metty, peintre d'un Moyen Âge obscur et désolé que berce un paganisme prêtant toutefois à sourire. La planète des singes fera mieux que transformer l’essai d’une collaboration fructueuse entre le cinéaste et le comédien... (15.06.2022) 




Commentaires

Random posts

Index

Plus d'éléments

Goddess

Accueil