CinéZone | Maurice Dugowson - F comme Fairbanks (1976)


Dans F comme Fairbanks, Patrick Dewaere s'appelle André mais le titre du film fait bien référence à son personnage dont le père le surnomme affectueusement ainsi en hommage à Douglas Fairbanks, célèbre acteur américain au temps du muet.  Il y a pourtant peu de l'interprète de Zorro et de Robin des Bois chez ce jeune homme, certes fougueux et ivre d'idéaux mais que le chômage et une histoire d'amour compromise finissent par faire dérailler. Il y a en vérité surtout beaucoup de Dewaere dans ce garçon qui craque sous le poids des malheurs et des désillusions. Comment ainsi ne pas le reconnaître derrière ce personnage dont l'exubérance virile cache mal une fragilité à fleur de peau ? La séparation houleuse et dramatique avec sa partenaire Miou-Miou qu'il affronte alors hors champ participe en outre de cette dimension autobiographique, le couple déplaçant sur l'écran sa propre déchirure en écho à celle de leurs personnages. 


A l'évidente complicité qui les cimente devant la caméra au début de l'histoire succède peu à peu une tension toute aussi authentique comme durant cette scène où André déboule au milieu de la pièce de théâtre qu'interprète Marie pour l'attirer dans les coulisses et régler leur compte. Dewaere ne "joue" pas, il vit cette rupture qu'il nourrit de sa propre colère. La fiction et la réalité se mêlent alors, donnant toute sa force à ce film qui, privé des deux comédiens, n'aurait en somme aucune raison d'être. Lettre d'amour au cinéma, F comme Fairbanks cultive par ailleurs cette confusion en confiant à John Berry, réalisateur victime de la Chasse aux sorcières qui a échoué en France, le rôle du père, projectionniste d'origine américaine que le Maccarthysme a contraint à l'exil. Ancré dans la France giscardienne frappée par la crise économique, le film illustre les effets du chômage mais de manière poétique, presque naïve, à l'image de son (anti) héros qui peu à peu fuit la réalité et s'enfonce dans le rêve... Quoique trop étroit pour lui, Patrick Dewaere cueille néanmoins dans ce deuxième long-métrage de Maurice Dugowson une des ses plus belles performances, une des plus émouvantes surtout, rôle tourmenté mais encore positif loin des hères fiévreux au bord de la folie qu'il ne tardera pas à incarner et qui boufferont son énergie, suceront sa sève jusqu'au point de non retour...  (28.06.2022) ⍖⍖



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