CinéZone | Otto Preminger - Autopsie d'un meurtre (1959)


Le cinéma américain s'est fait une spécialité du film de procès. Otto Preminger en a réalisé deux : Condamné au silence (1955) avec Gary Cooper et surtout Autopsie d'un meurtre qui demeure encore aujourd'hui un des mètre étalons de ce sous-genre très codifié dont il est égrène tous les ingrédients indispensables à sa réussite. Le premier d'entre eux réside dans la mise en scène parfaitement maîtrisée de l'Autrichien qui multiple les angles de vue et use de toutes les possibilités visuelles offertes par le tribunal servant de cadre à une bonne partie du film. Le deuxième repose sur l'interprétation. Ce type d'exercice basé notamment sur des joutes verbales nécessite des comédiens affutés. Dont acte. James Stewart en avocat sur le retour, roublard et original s'avère bien sûr excellent. Alors encore peu connu, George C. Scott lui oppose une présence pugnace. Ben Gazzara n'est pas moins impeccable dans la peau de ce soldat jaloux et brutal tandis que Lee Remick exsude le vice par tous les pores mais sans une once de vulgarité, renouvelant avec finesse la figure de la séductrice. Le troisième consiste en des dialogues percutants qui par leur force compose un récit sans action. Enfin, le quatrième et pas des moindres est incarné par un scénario d'une redoutable intelligence, questionnant la notion toute relative de vérité. 


Ainsi, Autopsie d'un meurtre démontre que les faits peuvent être tordus, déformés, interprétés selon la volonté de chacun, ce qui les rend très subjectifs. A la fin, le lieutenant Manion est jugé non coupable mais l'est-il vraiment ? Sa femme Laura a-t-elle bien été violée ? Son tempérament dissolu pourrait laisser à penser le contraire. La seule preuve du viol repose sur une culotte qui, comme le fait marquer le procureur, est miraculeusement retrouvée au fond d'un bac à linge alors même que son existence était sujet à caution. La défense ne l'aurait-elle pas placée là intentionnellement ? Le film questionne mais ne donne aucune réponse. En vérité, il ne fait que peu de doutes que Manion a bel et bien agi en pleine possession de ses moyens mais on prend pourtant fait et cause pour lui grâce à la sympathie que dégage son avocat face aux parties civiles retors et antipathique en cherchant à justifier le viol par la simple nature libérée de la victime. Pourtant, Paul Biegler est tout aussi manipulateur que son client. En axant sa défense sur la supposée démence de celui-ci, il tord la vérité afin d'obtenir l'acquittement. Ce faisant, il témoigne des faiblesses de la justice des hommes que des arguments habiles peuvent suffire à orienter dans un sens ou dans un autre, au détriment de la réalité... Etonnamment, malgré plusieurs nominations, Autopsie d'un meurtre ne récoltera aucun Oscars. Sans doute a-t-il été puni pour son audace dans une Amérique de la fin des années 50 ni n'accepte pas encore que l'on parle de slip féminin et de spermatogénèse dans un film...  (17.10.2022) ⍖⍖⍖⍖


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