CinéZone | Philip Dunne - 10, rue Frederick (1958)


En 1958, Gary Cooper a cinquante-sept ans. Rongé par un cancer qui l'emportera trois ans plus tard, il présente un physique fatigué. Mais il porte encore beau et son charisme demeure intact. Il enchaîne alors les films à un rythme soutenu même si aucun de ceux qu'il tourne à la fin de sa vie ne se révèle inoubliable, à l'exception peut-être de L'homme de l'Ouest d'Anthony Man. Réussite mitigée, 10, rue Frederick lui offre néanmoins un grand rôle qu'il incarne à sa manière, hiératique et pourtant habité par une puissante profondeur émotionnelle. Il ne semble rien faire mais son regard trahit les tourments, les regrets, les désirs inavoués de son personnage. Incarnation de l'homme droit, d'une moralité exemplaire, on devine que Gary Cooper a pu trouver dans ce procureur alcoolique et adultère un héros qui dans ses failles lui ressemblait un peu, mari idéal dont la douce et lisse séduction cache en vérité un caractère complexe. Adapté du roman de John O'Hara qui brosse à travers plusieurs générations le portrait d'une famille de la bonne société américaine, 10, rue Frederick n'en possède toutefois pas la force. 


Les tares qui gangrènent la bourgeoisie puritaine, ciment du bouquin, ne sont ainsi qu'effleurées, comme si l'ambition de les illustrer avaient été muselées, diluées, par les contraintes hollywoodiennes. Scénariste réputé pour John Ford (Qu'elle était verte ma vallée) ou Joseph Mankiewicz (L'aventure de Mme Muir, Philip Dunne échoue à rendre captivant ce drame qu'il emballe sans la passion que son sujet réclamait pourtant. Après un début ennuyeux et bavard, le film s'éveille timidement lorsqu'il commence à feuilleter les dernières années de la vie d'un notable et livre ses meilleures scènes quand il dessine la romance contrariée et presque incestueuse entre Jo Chapin et l'amie de sa fille, même si Dunne n'y est pas pour grand chose, devant tout à Gary Cooper à et Suzy Parker unis dans une touchante complicité. Reste qu'illustrer la vie d'un homme multipliant les échecs, politiques, familiaux et sentimentaux, s'avère encore audacieux dans le cinéma américain de la fin des années 50. En cela, 10, rue Frederick mérite d'être re(découvert), qui plus est parce qu'il offre de belles scènes à un Gary Cooper écrasant. (01.10.2022) ⍖⍖


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