CinéZone | Philip Kaufman - L'invasion des profanateurs (1978)


Je me souviens avoir découvert L'invasion des profanateurs alors que j'étais en CM2. Le film était diffusé à la télévision en première partie de soirée, chose encore une fois inimaginable aujourd'hui. J'étais alors beaucoup trop jeune pour voir un tel spectacle et ces images de cosses baveux m'ont durablement impressionné (au point d'en faire des cauchemars !) et marqué ma culture balbutiante de cinéphile. Le revoir pas loin de quarante ans plus tard confirme que ce cinquième long-métrage (mais le deuxième à être remarqué après La légende Jesse James) de Philip Kaufman n'a rien perdu de sa force tant visuelle que narrative. Si nous lui préférons évidemment la version de Don Siegel, Invasion Of The Body Snatchers adapte intelligent le bouquin de Jack Finney en le transposant dans l'Amérique des années 70 et en troquant une petite bourgade de province pour une grande ville où l'invasion peut prendre racine plus discrètement. La parabole anti-rouge du film de 1956, que Siegel réfute d'ailleurs tout comme l'écrivain, a été remplacée par une métaphore sur le déshumanisation de nos sociétés contemporaines, froides et standardisées. Il est même permis de voir dans cet effacement des émotions et des individualités une allégorie sur le fascisme. 


Mais en premier lieu, l'œuvre délivre avant tout une science-fiction nourrie à l'efficacité paranoïaque des thrillers américains de l'époque. Passé le générique, on devine que l'invasion a en vérité déjà commencé lorsque ces enfants déambulent joyeusement dans un parc. Un prêtre (Robert Duvall, non crédité) les observe en faisant de la balançoire. Son comportement est étrange. Très vite, l'écran se peuple ainsi de personnages bizarres, inquiétants. Kaufman joue sur l'angoisse de ces ères à la fois semblables aux autres et pourtant différents dans leur comportement. Sa mise en scène extrêmement travaillée où les arrière-plans sont remplis de détails significatifs participe de cette atmosphère glaciale et désincarnée que renforce la partition oppressante de Denny Zeitlin. Malgré peu de moyens, les effets spéciaux sont habiles et alimentent ce climat malsain. Nous ne sommes pas prêts d'oublier la naissance de ces créatures, hommes-cosses dont les traits familiers peu à peu s'esquissent, se forment, pour aboutir à un double, proche de l'original dont il s'éloigne pourtant par cette absence de vie qui le caractérise. Un mot enfin sur les acteurs du film qui convoque, outre Don Siegel et Kevin McCarthy comme un clin d'œil au métrage d'origine, Brooke Adams, comédienne un peu oubliée aujourd'hui mais dont la carrière, des Moissons du ciel à Dead Zone en passant par Cuba ou Le commando des morts-vivants, mérite qu'on s'y attarde, Jeff Goldblum, Leonard Nimoy et surtout Donald Sutherland dont la dernière apparition, le visage hurlant et déformé, s'inscrit pour toujours dans la rétine, manière de conclure le récit sur une note désespérée. (11.12.2022) ⍖⍖⍖

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