Bien que par la présence de son encombrant cadavre, il se rattache au film policer, Mais qui a tué Harry ? constitue en vérité la seule véritable incursion d'Alfred Hitchcock dans le domaine de la comédie, après Monsieur et madame Smith (1941), qui ne fut pas une réussite et quand bien même l'humour est rarement absent de ses films. Tourné après La main au collet (1955), Mais qui a tué Harry ? n'est sans doute pas son long métrage le plus célèbre mais il s'avère être probablement un de ses plus personnels, un de ses plus jubilatoires assurément. Et donc un de ses meilleurs. L'histoire baigne dans un humour macabre typiquement britannique. Les dialogues paraissent pour le moins surréalistes, les personnages devisent tranquillement, s'invitent à prendre le thé alors qu'un macchabé est étendu à leurs pieds. La femme du mort n'a rien de la jeune veuve éplorée... Bref, tout est décalé et les comédiens, Shirley MacLaine (dont c'est le premier rôle à l'écran) en tête, y sont pour beaucoup, dans cette comédie qui cultive les contrastes à l'image de ce cadavre portant des chaussettes d'un rouge éclatant, couché au beau milieu de la verdoyante campagne de Nouvelle-Angleterre.
Hitchcock semble s'amuser comme un petit fou et ne se prive pas de glisser quelques allusions salaces de son cru, comme durant la scène de la tasse à café dont l'anse pénétré par un doigt se révèle clairement sexuel. Le ton est léger, volontiers sardonique, jamais vraiment dramatique. Mais qui a tué Harry ?, en dépit de la mise en scène toujours inventive et gourmande du malicieux Alfred, a été incompris lors de sa sortie en salles, aux Etats-Unis notamment. De fait, le film est considéré comme une pause dans la carrière du réalisateur. Cet échec relatif l'incita à revenir à des œuvres plus conventionnelles, au moins plus conformes à ce que le public attend de lui, comme le démontera son film suivant, le remake de son propre Homme qui en savait trop (1956) avec James Stewart, l'un de ses acteurs fétiches. Enfin, pour la petite histoire, il faut savoir que le metteur en scène avait déjà fait appel au talent d'Edmund Gwenn dans The Skin Game (1931) et surtout Correspondant 17 (1940) mais il lui offre ici sa plus savoureuse prestation. A noter également que The Trouble With Harry marque le début de la collaboration entre Hitchcock et le compositeur Bernard Hermann. (07.01.2023) ⍖⍖⍖
Commentaires
Enregistrer un commentaire