CinéZone | John Boulting - Le gang des tueurs (1947)


Avant d'être le titre d'une chanson de Queen (sur l'album Sheer Heart Attack en 1974), Brighton Rock est celui d'un roman écrit par Graham Green en 1938 et porté deux fois à l'écran, en 1947 puis en 2011. Comme souvent, la traduction française est erronée ou à tout le moins réductrice car son histoire porte moins sur un gang de tueurs que sur l'un d'entre eux, jeune voyou dénommé Pinkie dont le visage encore adolescent cache en vérité un esprit torturé aux confins de la démence. Admirablement incarné par Richard Attenborough, il est le moteur du film, celui autour duquel le récit est construit et les différents protagonistes gravitent, enfant grandi trop vite qui semble nager dans son costume. Malgré son air dur et son regard parfois halluciné, il est un homme pale et médiocre dont les victimes sont faibles ou apeurées.  Mais un autre personnage se révèle tout aussi important, la ville balnéaire de Brighton dont John Boulting dresse une illustration tout en clair-obscur, jouant constamment sur les contrastes entre cette cité pleine de vie et les gangsters qui la souillent comme une gangrène. 


Aux animations festives de bord de mer s'oppose ainsi une facette plus sombre, faite d'impasses un peu louches et de bâtisses délabrées aux intérieurs suintant le misérable. Contrairement aux films noirs américains qui ont développé toute une mythologie romanesque avec ses boîtes de nuit, ses femmes fatales et ses décors nocturnes de studio, le polar britannique cherche à s'enraciner dans un réalisme social et fait fi de la moraline hollywoodienne. Aucune rédemption n'attend ce voyou dont la mort n'en suscite pas moins l'émotion. Et contrairement aussi à nombre de films anglais (des studios Healing notamment) qui louent la fraternité et la camaraderie, Le gang des tueurs propose une vision pessimiste dénuée de toute grandeur d'âme. C'est un film (très) noir. On y retrouve cependant toutes les qualités du grand cinéma britannique (naturalisme, jeu authentique des comédiens...) grâce auxquelles il vieillit finalement mieux que les productions américaines de la même époque. (24.04.2023) ⍖⍖⍖


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