L’artwork – superbe – qui habille Phantom Pinnacles est dû à Paw Grabowski (et Kevin Gan Yuen). Ce détail n’est pas si anodin car il y a un peu de øjeRum, le projet musical de cet artiste danois à la signature reconnaissable entre mille, dans la beauté déprimante de cet album et sa texture en forme de fragments sonores. En fait, derrière Between Voices ne se cache pas le talentueux graphiste et musicien passé maître dans l’art du collage mais le Canadien Harlow MacFarlane (Funerary Call et bien d’autres encore). Reste que ce visuel illustre parfaitement la teneur du contenu dont il est l’écrin aussi magnifique qu’intriguant. Phantom Pinnacles a quelque chose d’un voyage intérieur dans les profondeurs les plus abyssales du cerveau humain dont il remue, fouille les méandres, les souvenirs qui y sont enfouis, les images qui y sont incrustées, comme une mosaïque intime à la fois obscure et perturbée. Chaotique. D’où cet ensemble de fragments qui (dé)structurent cet essai à l’ambiance froidement étrange.
Déglinguée parfois (‘Fold On Fold’), inquiétante et bizarre souvent (‘Strange Runs’) mais toujours drapée dans une tristesse fantomatique (‘Lost In The Azure Of Distance’), l’oeuvre alterne les courtes vignettes aux allures de collage d’une décrépitude sourde (‘False Recollection’, ‘Missing Sequence’) et complaintes aux nappes tour à tour spectrales (‘Automnales Rays’), quasi liturgiques (‘Ligthness Star’) ou grouillantes d’effluves ferrugineuses et néanmoins curieusement élégiaques (‘Fading Yellow’). Tout cela créé un album volontairement morcelé, éclaté même, tant le fond que dans la forme, ce qui le rend si hermétique et lointain. Ainsi, sa défloration n’est pas évidente. Sous la surface mélancolique et brumeuse qu’il affiche trompeusement, se chevauchent des couches plus granuleuses, plis accidentés entre lesquels se désagrègent des rouages enkystés qui fascinent, envoûtent autant qu’ils dérangent et corrodent l’écoute d’une atmosphère aussi hantée que perturbante. Publié par l’incontournable Cyclic Law, Phantom Pinnacles est un album intriguant à bien des égards, tout en ambivalences déglinguées, assemblage fuyant de lambeaux intimes, d’éclats à la fois dramatiques et abrasifs. (17.05.2024) ⍖⍖⍖
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