CinéZone | Giovanni Fago - O Cangaceiro (1969)


L'immense Tomas Milian a souvent prêté sa folie au western. Nombreux sont des classiques, de Tire encore si tu peux (1967) à Colorado (1966), de Saludos Hombre (1968) à Trois pour un massacre (1968). D'autres font plus que lorgner vers la comédie (On m'appelle Providence). Enfin, il y a les bizarreries : Far West Story (un peu), Les quatre de l'apocalypse (signé Fulci donc assez malsain) et surtout O Cangaceiro. Troussé par Giovanni Fago, cinéaste à la carrière curieuse, ce film est-il pour autant un western ? Il en exhale l'arôme avec ces bandits débraillés mais son cadre luxuriant fourni par le Brésil, son casting local à la peau noire et l'époque qu'il revisite (le début du XXème siècle) sinon l'en éloignent, du moins lui confèrent son étrangeté. Il semble s'inspirer d'une manière lointaine d'un film brésilien qui connut un très grand succès en son temps, Sans peur, sans pitié (1953), lui-même en partie basé sur la vie d'un bandit nommé Lampião, tyrannique mais épris de justice. Planté dans l'Amérique latine, O Cangaceiro s'arrime donc à la mouvance du western zapata, bobines de gauche qui prennent fait et cause pour les péons face au capitalisme émergeant. 


Bien qu'anti-communiste (d'origine cubaine, sa famille fut victime de la révolution castriste), Milian trouve dans ce bandit halluciné qui se fait appeler le Rédempteur, émissaire de l'archange Raphaël, un rôle taillé pour sa démesure.  La première partie où, prophète hirsute, il découvre la mission divine qui lui a été confiée, alimente le côté le plus jubilatoire du film. Fidèle à son habitude, le comédien en fait des caisses mais son outrance reste plus mesurée qu'on ne le craint de prime abord. Ensuite, O Cangaceiro s'installe dans un récit révolutionnaire plus classique, plus sage également. Plus pessimiste peut-être aussi car derrière le ton léger des dernières images se cache la résignation. Contre le capitalisme, la révolution échoue toujours. Espedito s'est imaginé en Robin des Bois mais sa lutte s'arrête à la mort du gouverneur. Son amitié avec un ingénieur hollandais (qui produit finalement les meilleurs moments de la pellicule) trahit sa faiblesse, pillard à la fois mystique et naïf. Il en découle une œuvre franchement curieuse, faux western mais vraie fable politique désabusée (la partition mélancolique de Riz Ortolani n'y est pas étrangère) qui doit quand même beaucoup au charisme démentiel de son interprète principal et ce, nonobstant quelques plans extrêmement travaillés. Et un moment savoureux, poche poétique trouée dans cet environnement aride, le Hollandais lisant jusqu'au bout de la nuit le Lord Jim de Joseph Conrad ! (26.06.2023) ⍖⍖


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