CinéZone | Clive Donner - Le concierge (1963)


Clive Donner a connu une carrière aussi étrange que décevante. Monteur réputé (Pandora notamment), il passe à la mise en scène à la faveur d'un bon polar pour la Rank (The Secret Place), semble participer au renouveau du cinéma britannique des années 60 (Nothing But The Best), réalise un excellent film historique (Alfred le Grand, vainqueur des Vikings) avant de sombrer dans des productions alimentaires (Le plus secret des agents secrets) et des téléfilms au rabais (Merlin). Nonobstant un réel talent, ses meilleurs films lui doivent finalement moins qu'aux scénaristes qui en sont à l'origine. Il y a beaucoup de Woody Allen dans Quoi de neuf, pussycat ? (1966) tandis que Le concierge porte très nettement la griffe de Harold Pinter plus que la sienne. Proche de The Servent du même Pinter, The Caretaker est une oeuvre difficile et bizarre, viciée par une ambiance étouffante. Comme souvent avec le dramaturge, le point de départ parait anodin. Un homme (Aston) ramène dans son appartement un clochard (Davies). Celui-ci est détestable, grincheux dont la bouche est pleine d'une logorrhée haineuse et raciste. Mais très vite, la réalité déraille entre les quatre murs de ce studio vétuste où s'entasse tout un bric-à-brac. Une relation malsaine et cruelle se noue ainsi entre Davies et Aston, bientôt rejoint par son frère (Mick). 


Mais sont-ils vraiment frères ? Qui sont-ils en fait ? On découvrira plus tard que Aston, homme mutique qui ne s'exprime que par monosyllabe, vient de quitter un asile sans que cela explique quoi que ce soit. Sous ses airs plus affables et faussement séduisants, son frangin n'est-il pas aussi fou que lui ? Des trois personnages, on peine à identifier le plus louche, Davies, malgré ses immondes défauts, apparaissant en définitive comme le seul protagoniste (presque) normal. Si Harold Pinter adapte avec brio sa pièce de théâtre, le travail de Clive Donner n'est pas à négliger. Aidé par la remarquable photographie de Nicolas Roeg qui habille cet immeuble londonien d'un noir et blanc sinistre, le cinéaste rend admirablement le climat étouffant de son matériau en filmant une cage d'escalier de façon biscornue ou en saisissant avec ce qu'il faut d'inquiétude oppressante l'exigüité des lieux. Le concierge ne serait pas ce qu'il est non plus sans son génial trio de comédiens, de Alan Bates à Robert Shaw dans son premier grand rôle sans oublier bien sûr Donald Pleasence, idéalement répugnant et néanmoins pathétique. Tout concourt à créer une atmosphère lourde et malaisante qui poisse ce film absurde dont la rareté ne le rend que plus précieux. (29.08.2023) ⍖⍖⍖


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