Bien que couronné par une Palme d’or en 1973 (ex aequo avec L’épouvantail de Jerry Schatzberg), La méprise demeure assez méconnu, œuvre d’un cinéaste qui l’est d’ailleurs tout autant, lequel signa à ses débuts le prometteur Act Of Murder (d’après Edgar Wallace) et bien plus tard La partie de chasse (1984) avec James Mason et Edward Fox. Il fait pourtant montre ici d’une grande maîtrise, livrant un travail faussement sobre. En effet, avec ce sens de l’épure toute britannique, il dépeint les silencieux rapports de classes qui régissent la société anglaise et capte les relations complexes entre ses deux protagonistes, admirablement aidé en cela par ses principaux comédiens (Robert Shaw, rustre mais passionné, Sarah Miles toute en fragilité qui peu à peu se transforme en discrète détermination), auxquels par exemple un simple regard qu’attrape furtivement la caméra suffit à percer les sentiments refoulés. Le réalisateur utilise avec beaucoup de subtilité les reflets, les paysages verdoyants et désolés qui défilent par la fenêtre de la voiture.
La place des personnages à l’intérieur de celle-ci traduisent l’évolution des rapports entre ceux-ci. Chacun y est tout d’abord à sa place. Puis ils se rejoignent avant de s’éloigner l’un de l’autre. La méprise est donc tout autant le récit d’une romance contrariée qu’un film sur la solitude et le cloisonnement social. Ancien adjudant et boxeur à ses heures perdues, Ledbetter est devenu chauffeur. Il croit voir dans la relation privilégiée qu’il tisse progressivement avec une aristocrate que la mort de son époux a plongé dans une profonde dépression autant l’amour dont il est privé qu’une perspective d’ascension sociale. Cruelle, la réalité viendra briser ses rêves et ses désirs. On ne peut que partager la rage et la frustration de ce chauffeur condamné à sa condition, tant sociale que sentimentale. A la fin, cette voiture qu’il fracasse contre les murs d’une cour étroite résonne comme un cri de désespoir. Austère et pluvieux, circonscrit le plus souvent à l’intérieur du véhicule dont la promiscuité ne suffit pas à briser les barrières séparant les personnages, The Hireling est un film sombre et déprimant qui, engourdi par une froid glacial et vidé de tout espoir, n’est pas sans évoquer le travail d’un James Ivory avant l’heure. (19.12.2023) ⍖⍖⍖
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