Nonobstant ses indéniables qualités, L'exorciste, un des chefs-d'œuvre de William Friedkin, doit cependant beaucoup de sa force d'envoûtement et d'évocation à son thème musical. En effet, qui n'a jamais entendu cette poignée de notes qui identifient immédiatement le film ? Or il s'agit des premières mesures de Tubular Bells, album entré depuis dans la légende, qui marque les débuts de la carrière de Mike Oldfield alors âgé d'à peine 20 ans (!), en même temps que ceux du label Virgin. Cette première offrande pose les bases du style que reproduira le Britannique durant les années suivantes, au moins jusqu'à Incantations (1978), style qui repose sur de très longs morceaux (généralement au nombre de deux), lesquels sont comme des voyages contemplatifs traversés de multiples atmosphères, essentiellement instrumentaux - le chant, quand il est présent (caverneux et oppressant parfois, comme sur la seconde partie), étant davantage utilisé comme un instrument parmi tant d'autres -, et conduit par les interventions d'une multitude d'instruments la plupart du temps tenus par Oldfield lui-même (guitare, basse, orgue, mandoline...). Toutefois, les mots manquent pour décrire de tels pavés d'une richesse, d'une inspiration foisonnante, et parfaitement exécutés.
Parfois proche du rock progressif voire du Kautrock (Klaus Schulze, Tangerine Dream) de part son aspect expérimental, la musique forgée par le musicien n'appartient en fait qu'à lui. Il est le seul en effet à ériger de telles pièces à la fois complexes et limpides, belles et planante, empreinte d'une certaine mélancolie qui affleure à la surface. Véritable équilibriste, il parvient à ne jamais sombrer dans l'esbrouffe de bas étage ou dans une virtuosité stérile. Chaque titre forme un tout cohérant et n'a rien à voir avec un assemblage maladroit de fragments de musique mis bout à bout pour dépasser les 20 minutes. En réalité, avec ses morceaux divisés en plusieurs mouvements, Oldfield semble davantage se rapprocher (dans l'esprit plus que dans la lettre) des grands compositeurs classiques que des ténors du progressif, sans que son art puisse être qualifié de néo-classique pour autant. Tubular Bells fait partie de ces disques intemporels, qui ont cette capacité que peu possèdent, de vous accompagner toute la vie durant. Une interrogation demeure pourtant : comment un jeune homme d'une vingtaine d'années (il en avait 19 quand l'enregistrement à débuter) a t-il pu abattre une œuvre d'une telle maturité, d'un foisonnement créatif tel qu'il semble presque vain de pouvoir espérer en avoir fait le tout un jour ? Du reste, le Britannique parviendra-t-il à faire mieux par la suite ? Ommadawn prouvera que oui. En revanche, lorsque plus tard, le succès l'abandonnera et qu'il tentera de donner naissance à une suite, la réussite ne sera plus au rendez-vous. (15.04.2007) ⍖⍖⍖⍖
Commentaires
Enregistrer un commentaire