Sous ses airs de petite production au budget économique (une poignée d’acteurs, quelques bouts de décors et c’est à peu près tout), La rose et la flèche cache en réalité un très grand film qui convoque longtemps après leurs aventures tant de fois racontées au cinéma, des personnages familiers, Robin des Bois, Marianne, le Shérif de Nottingham, Petit Jean dont Richard Lester imagine la fin crépusculaire mais romantique. De retour des croisades, Robin a perdu de sa superbe, la barbe grisonnante, sale et débraillé. Toujours flanqué du fidèle Jeannot, il retrouve ses anciens compagnons, condamnés à errer dans la forêt de Sherwood, puis Marianne qui s’est réfugiée dans une misérable abbaye. Le shérif de Nottingham se rappelle lui aussi à son mauvais souvenir. Tous les deux ont un vieux compte à régler mais davantage que la haine, c’est un respect réciproque qui les habite. Avec une malicieuse jubilation, Richard Lester revisite le mythe de Robin des Bois qu’il présente comme un loqueteux dont la forfanterie héroïque sombre dans un pathétique néanmoins attachant. Ce faisant, le cinéaste brosse la peinture d’un Moyen-âge désacralisé, boueux et hirsute, où les hommes se battent pour une terre lointaine (Jérusalem), mus par un idéal qu’ils peinent à définir. Si Jean sans Terre est croqué de manière évidemment ridicule, Richard Cœur de Lion n’est étonnamment guère plus épargné, dépeint dans toute sa cruelle arrogance. L’humour, parfois absurde (le Sacré Graal des Monty Python ne semble pas loin par moments), tendre le plus souvent, n’empêche pas le film d’être réaliste, particulièrement lors des combats.
L’affrontement tant attendu entre Robin et le shérif de Nottingham est ainsi illustré avec une brutalité authentique, sans lyrisme ni héroïsme, à des années-lumière des codes du film de cape et d’épée. Ce sont deux hommes vieillissants dont les épées paraissent trop lourdes pour eux, qui se battent en un duel désenchanté et pénible aux allures de bouillie ensanglantée. Mais au-delà de son réalisme sans fard, La rose et la flèche se veut surtout, comme son titre original le suggère, une histoire d’amour, un amour fou, un amour qui survit par delà la mort, cet amour absolu qui pousse Marianne, refusant la vie guerroyante qu’il lui propose, à les empoisonner tous les deux, Robin et elle, en une fin bouleversante que souligne admirablement la musique de John Barry, d’une douce tristesse. Après L’homme qui voulut être roi (1975), Sean Connery trouve là un de ses plus beaux rôles tandis que Robert Shaw rompt lui aussi avec les interprétations habituelles du vilain shérif, auquel il confère, loin de la cruauté raffinée d’un Basil Rathbone ou d’un Peter Cushing, un panache mélancolique. De retour au cinéma neuf ans après Seule dans la nuit, Audrey Hepbum est magnifique cependant que Nicol Williamson (en Petit Jean), Richard Harris (en Richard Cœur de Lion),, Denholm Elliott (en Will Scarlett) ou Ian Holm (en Jean sans Terre) livrent des prestations toutes aussi dignes d’éloge. Chef-d'œuvre pas si connu que cela, La rose et la flèche incarne, entre Les trois mousquetaires (1973 et 1974), Terreur sur le Britannic (1974) et Royal Flash (1975), l’apogée de la carrière de Richard Lester. (15.01.2024) ⍖⍖⍖⍖
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