Redécouvert grâce à Jim Jarmush ou Wong Kar-Wai, Seijun Suzuki a désormais trouvé la place qui aurait dû être la sienne, parmi les réalisateurs les plus influents du cinéma japonais et dont il a été privé après été renvoyé à la fin des années 60 par les studios Nikkatsu qui jugeait ses films commercialement invendables. Pendant dix ans, entre La marque du tueur (1967), œuvre culte incomprise en son temps, et Histoire de mélancolie et de tristesse (1977) qui mettra fin à son purgatoire, Suzuki s’occupe comme il peut en tournant des publicités et surtout Mummy’s Love, premier épisode d’une série qui en comporte treize (tous les autres semblent être introuvables) dans la lignée fantastique de La quatrième dimension. Malgré son format modeste de produit télévisuel au budget économique, il n’en porte pas moins la signature de son auteur dont on reconnaît son goût un érotisme baroque. Passé et présent, mythe et réalité se confondent en un conte hallucinatoire.
A une première moitié flirtant avec la pantalonnade, centrée sur la légende d’un moine bouddhiste ressuscité qui, idiot lubrique, épuise sexuellement une femelle succède une seconde partie où, après-guerre, une éditrice est troublée par ce récit que son ancien professeur doit traduire. Une atmosphère licencieuse et bizarre s’installe peu à peu entre ce vieux bonhomme à la santé déclinante et cette femme dont l’âtre brûle d’un désir inassouvi depuis la mort de son époux. Ses pulsions refoulées sont finalement épanchées lorsqu’elle se donne à un homme mystérieux qui semble être le fantôme de son défunt mari mais qui cache en fait derrière un masque le vieux professeur qui avant de mourir l’a possédée. Simple épisode TV peut-être, A Mummy’s Love n’en brille pas moins d’une grande beauté formelle colorée de lueurs baroques et fait montre d’une certaine ambition dans la manière dont les deux histoires s’imbriquent, la seconde puisant dans la première de malsaines résonances. (26.02.2024) ⍖⍖
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