CinéZone | Robert Dhéry - Allez France (1964)


Moins connu que La belle américaine (1961), Le petit baigneur (1967) ou Vos gueules, les mouettes ! (1974) et bien qu’il ait fait plus de deux millions d’entrée à l’époque, Allez France ! peut néanmoins être considéré comme un des meilleurs films réalisés par Robert Dhéry. Il y tient le rôle principal, celui d’un amateur de rugby qui, à l’insu de sa fiancée avec laquelle il doit se marier deux jours plus tard, se rend à Londres avec d’autres supporters pour assister à un match opposant la France à l’Angleterre. Alors que sa future belle-sœur, installée dans la capitale britannique (et devenue Lady Brisburn : quel nom !), croit le reconnaître au milieu du public, un voisin de tribune lui donne par accident un coup sur la figure qui lui casse les dents de devant. Ne pouvant retourner en France défiguré de la sorte, il se fait soigner par un dentiste qui après l’opération lui recommande de ne pas ouvrir la bouche pendant deux heures. Confondu dans la salle d’attente avec un bobby venu également se faire opérer, il se retrouve alors emporté dans une virée burlesque à travers Londres, poursuivi par des policiers, sa belle-sœur, Diana Dors dans son propre rôle de Jayne Mansfield anglaise, la chair lasse, la beauté vulgaire bientôt fanée, sans compter divers autres personnages (un enfant, une vieille dame qui tient une boutique…) en une troupe de plus en plus importante. 


Coécrit par Pierre Tchernia, tourné semble-t-il en grande partie sans autorisation, Allez France ! a heureusement le bon goût de nous épargner l’humour gaulois et débraillé que la présence de comédiens issus des Branquignoles (Colette Brosset, Jean Lefebvre, Jean Carmet, Pierre Tornade, Jean Richard, Jacques Legras…) pouvait laisser craindre, lui préférant le ton joyeux et le rythme trépidant d’un hommage au comique muet. Le visage crispé et un peu triste, ne cessant de courir pour échapper à ses poursuivants, il y a en effet quelque chose de Buster Keaton chez Robert Dhéry qui s’est sans doute souvenu de l’année qu’il a passé en Angleterre quand il avait 15 ans, entre pension de famille, école et salles de cinéma. S’il ne possède évidemment ni la force ni la poésie des classiques de Jacques Tati auquel on pense parfois, son film n’est pas sans dispenser un charme coquin qui s’amuse du peu d’attirance sexuelle que miss Diors croit produire sur le héros frigide cependant qu’à travers cet homme fuyant dangers et responsabilités, réduit à une silhouette noire égarée dans la foule, Dhéry raille gentiment la couardise des Français, comme le souligne par ailleurs le clin d’oeil à De Gaulle (Pierre Dac enfermé dans un cagibi et répétant de façon mécanique l’appel du 18 juin à la manière d’un disque raillé). Oublié et un brin daté, Allez France ! est une comédie sympathique riche de cet humour typique et parfois bizarre de Robert Dhéry, qu’on regarde soixante ans plus tard avec la nostalgie mélancolique pour une époque malheureusement révolue.(27.03.2024) ⍖⍖


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