René Clément - Au-delà des grilles (1949)


De tous les metteurs en scène qui ont dirigé Jean Gabin, René Clément n’est pas celui auquel on pense en priorité. Il est vrai que Au-delà des grilles, leur unique et oubliée collaboration, s’inscrit dans la période la moins connue du comédien, entre l’immédiate après-guerre et le retour en grâce que lui octroie le succès rencontré par Touchez pas au Grisbi de Jacques Becker. Le cheveu blanc, la démarche alourdie, il n’est alors plus le jeune premier romantique des années 30 et peine à retrouver sa place dans le cinéma français. Les films qu’il tourne entre 1946 et 1955 ne sont pourtant pas sans intérêt bien au contraire, certains d’entre eux figurant même parmi les meilleurs de sa carrière. Citons Martin Roumagnac, La nuit est mon royaume, Leur dernière nuit et donc Au-delà des grilles que couronnent un Oscar et le prix d’interprétation féminine au festival de Cannes. La rencontre entre le réalisateur de La bataille du rail et l’interprète de Quai des brumes n’accouche pas moins d’un film assez curieux en cela que, production franco-italienne, il entreprend de couler la poésie à la française (que confèrent la présence Jean Gabin et la signature de Jean Aurenche et Pierre Bost) dans le moule social du néoréalisme italien qui lui prête deux de ses emblématiques scénaristes, Cesare Zavattini et Suso Cecchio D’Amico (Le voleur de Bicyclette). 


Le travail fourni par René Clément est à l’image de cette dualité, quasi documentaire selon ses premières amours dans sa peinture tant sociale que topographique d’un quartier génois grouillant et populeux, mais poétique lorsque sa caméra accroche ces décors en ruine aux confins d’un fantastique gothique (le couvent) ou colle aux déambulations nocturnes des deux amants dont le film raconte la romance contrariée et condamnée à l’échec. L’histoire est frappée du sceau de la fatalité et de l’ironie (cette banale rage de dent qui pousse Pierre à quitter sa cachette). Gabin endosse un personnage qui semble proche de ceux qu’il campait avant-guerre mais son romantisme tragique est désormais fardé  d’un désespoir las. Traqué par la police pour le meurtre de sa maîtresse infidèle, il est un homme usé, sachant sa liberté en sursis, qui échoue dans une ville qu’il ne connaît pas. Il croise la vie de Martha (Isa Miranda, qui lui vole la vedette), mère d’une petite fille dont le père cherche à obtenir la garde. Mais il est déjà trop tard pour une dernière histoire d’amour... Drame désenchanté que voile une poésie naturaliste, Au-delà des grilles est un beau film parmi les plus méconnus de René Clément comme de Jean Gabin et mérite donc pour cela d’être redécouvert et réévalué à sa juste valeur. (21.06.2024) ⍖⍖⍖


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