Au début de sa carrière, Robert Aldrich révolutionne le 7ème art en dynamitant trois des principaux genres du cinéma américain : le western avec Bronco Apache et Vera Cruz, le film noir avec En quatrième vitesse voire aussi Le grand couteau et le film de guerre avec Attaque. Celui-ci, nonobstant une poignée de scènes guerrières sèches et brutales pour l’époque, à coup de mortiers, chars et mitraillettes, fait pourtant mentir son titre puisque l’action s’y montre rare. A cela, rien de surprenant quand on sait qu’il s’agit en vérité de l’adaptation d’une pièce de théâtre. Aux champs de bataille, Aldrich préfère donc le huis clos d’affrontements confinés qui s’accommode parfaitement de la faiblesse des moyens à disposition et ne grève en rien la force inouïe de ce film tout en tension et en violence psychologique. Plus que l’adversaire allemand, c’est l’ennemi intérieur qui intéresse et fascine le cinéaste, celui qu’incarnent la peur et la lâcheté du capitaine Cooney (Eddie Albert), officier à la bonhommie fuyante, auquel le lieutenant Costa (Jack Palance, dans un de ses rôles les plus marquants), soldat sévère mais juste, reproche jusqu’à la folie la mort de ses hommes. Entre les deux s’interpose le colonel Bartlett (Lee Marvin, déjà immense), qui use de diplomatie à la manière d’un politicien véreux.
Loin de l’héroïsme cocardier et viril (Costa n’a rien d’un héros et la compagnie qu’il commande n’aspire qu’à une chose : ne plus combattre), Attaque illustre comment la guerre transforme les hommes, les ravage de l’intérieur, les meurtrie autant physiquement que mentalement. Il est fréquent de louer la mise en scène de Robert Aldrich, tout en contrastes et en mouvement malgré l’environnement resserré de son récit. Impressionnants en effet, cadrages audacieux, profondeurs de champ, travellings et photographie au noir et blanc agressif ne sont jamais gratuits, soulignant au contraire les antagonismes, les affrontements, les doutes et les peurs. Attaque est un film de guerre admirable, un des plus forts jamais tournés par Hollywood, lequel annonce par la modernité de son propos et le caractère novateur de son langage cinématographique les Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino et autre Platoon de Oliver Stone. Autre conflit (Le Vietnam), autre époque mais d’identiques stigmates pour ceux qui partent se battre et mourir. (01.07.2024) ⍖⍖⍖
Commentaires
Enregistrer un commentaire