L’homme qui voulait savoir est un thriller hollandais. Sa nationalité géographique n’est pas anodine car elle fournit un précieux indice quant à son approche du genre, froide et bizarre, le cinéma néerlandais se révélant souvent insolite sinon étrange. De fait, George Sluizer, son réalisateur, ne livre jamais le film à suspense ou d’horreur que l’on croit (ou espère ?) trouver. Adapté d’une nouvelle de Tim Krabbé (L’oeuf d’or, publié en 1984), Spoorloos tourne autour de la disparition énigmatique d’une touriste hollandaise sur une aire d’autoroute dans le sud de la France. Trois ans plus tard, son compagnon l’a cherche toujours. Touché par son obstination, le ravisseur décide d’entrer en contact avec lui afin de lui expliquer pourquoi il a enlevé Saskia et ce qu’il est advenu d’elle. Très tôt dans le récit, le cinéaste joue avec le spectateur, témoin la scène du tunnel, quasi fantastique. Une fois la femme disparue et alors qu’on s’attend à suivre Rex dans ses recherches, le film se dévide ensuite d’une façon tordue en rembobinant les évènements mais pas à la manière d’un flashback classique. Surtout, il choisit comme psychopathe non pas un marginal ou un pervers mais au contraire un homme socialement intégré, professeur de sciences, père aimant et aimé. Ce n’est pas pour répondre à de déviantes pulsions qu’il commet l’enlèvement et le meurtre mais pour tester sa capacité à exécuter une action criminelle, comme un scientifique qui se livre à une expérience. Sans affect, ni émotion, avec une froideur calculée.
La caméra le suit en train d’essayer sur lui-même le chloroforme, tenter divers stratagèmes pour kidnapper sa future victime… Ce personnage doit évidemment beaucoup à Bernard-Pierre Donnadieu lequel, carcasse massive et faciès inquiétant, parvient pourtant à le vernir de la sympathie rassurante du bon père de famille. Il n’en est pas moins fou dans la funeste équation qu’il s’est imposée de devoir résoudre. A cette démence répond celle plus expressive de Rex dont la quête de vouloir savoir confine à l’obsession, jusqu’à s’isoler des autres. Jusqu’à accepter de subir le même sort que Saskia à laquelle il est lié par le serment de ne jamais l’abandonnée. Film en miroir, Spoorloos repose ainsi sur l’opposition entre froide raison et poursuite irrationnelle, multiplie les scènes qui se répondent (la disparition prémonitoire / réelle, le tunnel / Rex enfermé dans un cercueil) et illustre le kidnapping de manière hors champ puis par petites miettes. Pour toutes ces raisons, si on comprend mal que L’homme qui voulait savoir ait pu être refait aux Etats-Unis (par le même Sluizer), l’échec de cette relecture hollywoodienne était en revanche prévisible. (04.08.2024) ⍖⍖⍖
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