« Vingt ans de placard ! Les bénéfices ça se divise, la réclusion ça s’additionne ! », « Si la connerie se mesurait, il servirait de mètre-étalon ! Il serait à Sèvres ! ». C’est dans Le cave se rebiffe que ces répliques devenues légendaires (et il y en a beaucoup d’autres) sont prononcées. Elles portent évidemment la griffe d’un Michel Audiard en très grande forme dont le film dégueule littéralement des dialogues gouailleurs, des bons mots qu’on n’imagine pas débités par d’autres acteurs que Jean Gabin ou Bernard Blier. C’est un véritable festival de saillies savoureuses et de personnages taillés sur mesure pour les comédiens qui les incarnent (particulièrement pour l’immense Françoise Rosay et son accent de titi parisien, inimitable Mlle Pauline) qui pousse franchement ce polar dans la pure comédie. Ce qui fait de lui une sorte de trait d’union entre le sérieux de Touchez pas au grisbi (1954) de Jacques Becker et le parodique des Tontons flingueurs (1963) de Georges Lautner, lesquels sont également adaptés de la trilogie de Max le menteur d’Albert Simonin.
Ainsi la mise en scène de Gilles Grangier, discrète bien que d’une incontestable efficacité, le rôle de Martine Carol en môme sexy, un ton encore assez sage et bien sûr au centre un Jean Gabin dans la position du patron qu’il connaît parfaitement, rattachent encore Le cave se rebiffe à la série noire des années 50 . En revanche, sa verve humoristique, le ridicule cocasse d’un Franck Villard exquis en « grand con » ou Bernard Blier en tenancier de bordel dont les mimiques et les répliques de Michel Audiard plein la bouche annoncent sa création de Raoul Volfoni, préparent l’éparpillement façon puzzle des Tontons flingueurs. Déjà présent dans Touchez pas au grisbi qui relança sa carrière, il était d’ailleurs prévu que Gabin participe également à l’adaptation de Grisbi or not grisbi mais sa volonté de ne travailler qu’avec son équipe habituelle, tant devant que derrière la caméra, l’empêcha de s’entendre avec Lautner. Dans tous les cas, Le cave se rebiffe demeure un des sommets de sa filmographie et le « Dabe », malfaiteur de grande classe, amateur de chevaux (comme dans la vie), un de ses rôles préférés, variation humoristique du patriarche, du chef de bande qui, après les succès des Vieux de la vieille (1960) l’incitera encore davantage dans les années à venir à creuser le sillon de la comédie. (14.08.2024) ⍖⍖⍖⍖
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