Remembrance - Silencing The Moments... (2008)


La figure spectrale ornant la pochette de Silencing The Moments… a quelque chose d’un guide funeste chargé d’attirer les âmes naufragées auxquelles l’album semble être destiné. La musique est à l’avenant. L’écoute débute par l’écrasant « Thief Of Light » que structurent des nappes de claviers glaciales, une voix d’outre-tombe qui pleure un océan de regrets et des rythmes monolithiques, tandis qu’un piano égrenant des notes fantomatiques d’une tristesse infinie sonne le glas de toutes traces de vie et d’espoir. Puis un chant féminin éthéré vient caresser par sa grâce cet univers de désolation, lanterne lumineuse furtive qui permet de respirer ne serait-ce qu’un court instant avant de replonger dans une atmosphère plombée par la mort. Remembrance pourrait venir de Finlande tant les apparats qui habillent le funeral doom érigé dans le Grand Nord sont ici aisément discernables. Pourtant, Remembrance est français. Les adorateurs du genre le connaissent déjà pour ses deux démos séminales (Beyond The Waters et Among Lost Illusions) et son premier essai, Frail Visions. Le duo qui le forme, et dont les membres (un homme et une femme, heureusement très loin des clichés gothic à la bête et la belle) n’ont de cesse à travers leurs divers projets en commun (Lethian Dreams, In Somnis avec S. de Until Death Overtakes Me…) de forer encore et encore la même roche granitique, a cette fois mis tous les atouts de son côté afin de répandre sa mélancolie automnale : une signature chez Firedoom, l’écurie préférée des spéléologues, une production ad hoc et surtout des compositions superbes écrites à l’encre noire. 


Certes, le groupe ne révolutionne pas le genre et certaines complaintes ne peuvent qu’évoquer les ambiances suicidaires presque atmosphériques de Shape Of Despair (« Fragments ») ou pétrifiés de la chapelle britannique (« One Reckless Sleep ») mais le doom, encore plus dans sa dimension funéraire est davantage une question de foi plutôt que de raison. L’originalité à tout prix n’a jamais été le principal vecteur d’un art qui se vit, se ressent plus qu’il ne s’explique et qui draine des valeurs universelles basées sur la douleur et le repentir. Ces six longues mélopées, d’une lenteur agonisante, sont de véritables marches funèbres, aller-simple dans des abîmes insondables, oscillant entre desespoir absolu et froide beauté ténébreuse. Noires peut-être mais incontestablement belles et chargées d’émotions à même de toucher l’âme. Œuvre instrospective, Silencing The Moments… confine au recueillement. Ce n’est pas là, la moindre de ses qualités. L’Europe du Nord n’a décidément plus le monopole de la tristesse ; la France, désormais défendue par des formations talentueuses de l’acabit de Remembrance, Ataraxie, Despond ou Inborn Suffering, peut elle aussi ériger des cathédrales de spleen. (20.07.2008) ⍖⍖⍖

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