Irving Rapper - Les aventures de Mark Twain (1944)


Dans les années 30 et 40, la mode est aux biographies dont la Warner et William Dieterle se sont faits une spécialité, de La vie de Louis Pasteur (1936) à celle de Emile Zola (1937) en passant par Juarez (1939) ou Une dépêche Reuter (1940), autant de portraits qui s’inscrivent en outre dans un contexte géopolitique alors de plus en plus troublé. Si l’idée de retracer la vie de Mark Twain peut sembler de prime abord curieux, c’est oublier que l’écrivain a connu une existence mouvementée dont les épisodes se prêtent idéalement au grand écran. Du Mississippi sillonné par les bateaux à roues à aubes à la Guerre de Sécession, de la conquête de l’Ouest à la ruée vers l’or, évoquer la vie de l’auteur de Tom Sawyer, c’est balayer tout un pan de l’histoire des Etats-Unis et insister sur le thème de la frontière qui en fut le pivot. Les aventures de Mark Twain se présente comme un de ces gros films destinés aux Oscars, auquel le studio a alloué des moyens conséquents et embauché quelques uns des meilleurs talents de son vivier (Max Steiner à la musique, Don Siegel au montage…). Côté casting, les habituels Alan Hale, Donald Crisp, C. Aubrey Smith et John Carradine bétonnent en arrière plan une affiche dominée par Alexis Smith et bien sûr Fredric March qui, après avoir été, entre autres, le Dr Jekyll, Jean Valjean ou Christophe Colomb, est méconnaissable dans la peau de l’écrivain, livrant une interprétation savoureuse, effectivement taillée pour les Oscars. 


Mais il ne sera même pas nominé et le film, dont la musique, la direction artistique et les effets spéciaux seront cités, n’obtiendra d’ailleurs aucune récompense et a depuis sombré dans un certain oubli. Car en dépit de sa belle tenue et de scènes très réussies (la compétition des grenouilles qui donnera naissance à l’un des contes les plus fameux de l’auteur), l’œuvre accuse plusieurs défauts. Trop longue, elle prend surtout de trop grandes libertés avec la vie de Mark Twain dont elle mélange les étapes, prêtent à des événements une importance ou une gravité qu’ils n’ont pas eue (par exemple, les Mémoires de Grant ne l’ont pas ruiné, bien contraire). Plus grave encore, le film n’est jamais habité par l’esprit irrévérencieux de l’écrivain et son humour sarcastique, leur préférant une vision maniérée et mélodramatique dans sa dernière partie. Aujourd’hui, il n’en reste presque rien si ce n’est un beau livre d’images qui se feuillète néanmoins avec plaisir. (31.10.2024) ⍖⍖


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