Henri Verneuil - Le clan des Siciliens (1969)


Evidemment, on ne présente plus Le clan des Siciliens qui doit d’être entré dans la mythologie du  cinéma pour avoir réuni à l’affiche trois des grandes stars françaises, Jean Gabin, Alain Delon et Lino Ventura qui pourtant ne partagent ensemble aucune scène. Production en béton armé que cimentent derrière la caméra les talents conjugués de Henri Verneuil à la réalisation, José Giovanni  (entre autres) au scénario ou Henri Decaë à la photographie, Le clan des Siciliens est une grosse mécanique française mais à l’américaine dans l’esprit. Alors quasiment le seul cinéaste hexagonal à mener une carrière internationale, Verneuil filme d’ailleurs Puteaux comme New York. Qu’il ait été financé par la Fox qui l’a distribué, illustre l’ambition nourrie par ses géniteurs de voir le film rivaliser avec les mastodontes d’outre Atlantique. Carton plein au box office français, il échouera pourtant aux Etats-Unis. Séquences spectaculaires (l’évasion de Sartet, le détournement  du DC-8), fignolées à la manière d’une orfèvrerie par un Verneuil dont la maîtrise de l’action et du suspense n’est plus à démontrer, récit parfaitement huilé, décors (le repère du clan Manalese où s’entassent les flippers) au fort pouvoir d’évocation dictent un polar aux petits oignons, sans temps morts malgré ses deux heures de pellicule et que berce la partition aussi entêtante que légendaire de Ennio Morricone. Et puis il y a bien sûr les trois monstres sacrés, chacun dans leur rôle, Gabin en patriarche (et en improbable Sicilien !), Delon en tueur racé et Ventura en flic malin et retors. De la belle ouvrage donc, de laquelle rien ne dépasse toutefois. 


En fait, il manque quelque chose au film pour le rendre aussi indispensable que Mélodie en sous-sol (1963) par exemple, autre classique du film de braquage où Verneuil réunissait déjà Gabin et Delon. Un peu d’humour sinon d’ironie certainement. Une dimension plus tragique (à peine effleurée lors du duel entre Manalese et Sartet) également. Enfin, peut-être des personnages plus attachants et surtout plus épais. Même le commissaire Le Goff, le « bon » de l’histoire, n’est qu’une carcasse vide dont on ne sait rien, à l’instar des autres protagonistes. Au surplus, aucun des trois comédiens vedettes ne force réellement son talent. D’ailleurs, quand on souhaite voir un de leurs films, ce n’est finalement pas au Clan des Siciliens qu’on pense en premier. Ventura est lointain, Delon sous-employé, félin aux griffes limées, quant à Gabin, dépourvu de sa gouaille habituelle (ou si peu), il pantoufle, pilote le récit sans passion. Il est à l’image de ce film, sans émotions et froid mais pas dans le bon sens du terme. Pas comme chez un Melville par exemple où l’atmosphère est intrinsèquement glaciale, ce qui n’est pas la même chose. Ces réserves n’entament cependant pas le plaisir de regarder Le clan des Siciliens qui n’a rien perdu de son charme ni de son efficacité mais soulignent le fait que, sans être un rendez-vous manqué, il aurait pu (dû) avoir plus de consistance et ne survit en définitive que grâce à la musique de Morricone et à la rencontre au sommet qu’il orchestre, non sans habileté il est vrai. (22.11.2024) ⍖⍖⍖


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