Donner un successeur à un album aussi sublime que Tears Laid In Earth, considéré à juste titre comme un chef-d’œuvre de doom atmosphérique, n’était pas chose aisée ; tâche rendue encore plus difficile suite au départ de la chanteuse Kari Rueslatten. Le groupe a pourtant relevé le défi et avec brio. Aidés par une nouvelle vocaliste, Ann-Mari Edvardsen, à la fois proche et différente de Kari, les musiciens livrent avec Painting On Glass un disque de toute beauté, lequel, tout en s’inscrivant dans le style si particulier établi par son glorieux prédécesseur, s’en éloigne sensiblement grâce à l’adjonction d’éléments nouveaux (Mellotron, orgue d’église). « Magma », le premier des 14 titres de cette galette donne tout de suite le ton. On y retrouve avec bonheur ce rythme lent et étouffant, ce feeling mélancolique unique, mais le morceau se trouve parasité par des rush de guitares ferrugineuses et par la présence d’un trombone, instrument peu utilisé dans le metal, mais qui, par la gravité émotionnelle qu’il répand, enfonce d’entrée l’album dans des abymes insondables.
On pense alors au King Crimson de Lizard, dont le spectre, ainsi que celui d’autres groupes progressifs, tels que Pink Floyd (pour la dimension aérienne des guitares) ou In The Woods (pour la façon dont les voix féminines sont plaquées sur la musique), plane parfois sur cet opus vertigineux et énigmatique. A l’image du titre de cette première chanson, Painting On Glass se rapproche d’un magma sonore pétrifié essentiellement instrumental, d’un bloc compact dont il est peu aisé d’extraire une chanson plus qu’une autre, et que fissure un chant féminin plein de désespoir. A la fois triste et inquiétante, aérienne et étouffante, la musique de The 3rd And The Mortal est belle à en pleurer. Elle vous engourdi autant qu’elle vous émeut. Ces titres, régulièrement pollués par tout un ensemble de sons trafiqués, forment de vrais labyrinthes tant leur richesse semble immense. Avec talent, les Norvégiens ont donc su rester fidèle à leur style si singulier tout en le transcendant ; et offre peut-être leur album le plus tourmenté, le plus sombre également. La dimension expérimentale de Painting On Glass annonce enfin les recherches sonores des disques suivants. (2006) ⍖⍖⍖
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