Mine de rien, sans faire grand bruit, la belle Julie Kiss (tout un programme !) commence à faire son petit bonhomme de chemin. Il faut dire que la jeune femme n’a pas seulement un physique avantageux, condition il est vrai souvent essentielle pour réussir, elle possède surtout d’autres qualités. Sa voix déjà, qui ne ressemble à aucune autre, et surtout pas à celle de la plupart des divas qui pullulent depuis quelques années au sein de notre confrérie. Singulière et puissante, elle ensorcèle l’auditeur comme une sirène. En outre, la Hongroise a une personnalité bien affirmée et des goûts qui le sont tout autant. Le metal progressif à la fois musclé et tarabiscoté en vigueur dans Without Face, le modeste groupe grâce auquel on l’a découvert lui doit visiblement beaucoup, comme l’illustre la teneur musicale à l’identique de son nouveau projet, To-Mera, qu’elle a monté suite à son départ de son premier port d’attache en même temps qu’elle s’expatriait en Angleterre pour retrouver Lee Barrett, davantage connu pour son implication dans le label Candlelight (Opeth, par exemple, lui doit beaucoup) que comme musicien. On touche là à une autre de ses qualités, Julie sait s’entourer. Outre Barrett à la basse, on retrouve autour de la belle, le guitariste Tom Maclean, celui qui va l’aider à matérialiser sa vision du metal. Si Without Face se contentait bien souvent d'arpenter des chemins balisés, notamment par Dream Theater, à l’exception bien entendu de la présence d’une voix féminine, To-Mera s’affranchit quant à lui de cette encombrante référence pour déployer une musique bien plus originale, véritable chaudron dans lequel bouillonnent toutes sortes d’ingrédients : metal, progressif, jazz, teintes seventies, bandes originales de films…
Un vrai melting pot bizarroïde, complexe néanmoins toujours digeste. Certains esprits étroits réduisent le groupe à une sorte de Meshuggah conjugué au féminin. On ne comprend pas trop pourquoi, si ce n’est que l’on retrouve chez ces deux formations, cette même densité qui réclame de fait pour l’auditeur une attention de tous les instants s’il ne veut pas se perdre dans ce labyrinthe sonore. Delusions, seconde offrande du groupe après le remarqué Transcendental, qu’elle domine des pieds et de la tête, fourmille de détails qui prolifèrent en même temps que les morceaux progressent. De la première écoute, on ne retient pas grand chose ; on s’égare vite dans ce dédale dont seule la voix de Julie sert au début de fil d’Ariane pour tenter de se repérer. Ce n’est que peu à peu que la richesse de l’album se fait jour. C’est dire si celui-ci, exigeant, nécessite une concentration à laquelle beaucoup se sont plus guère habitués à l’heure de la fastfood music. Il serait vain de détailler tous les titres tant ils ont tous quelque chose d’un voyage unique aux multiples escales dont l’itinéraire s’avère bien difficile à déchiffrer. Un très grand disque, touffu et courageux qui devrait toutefois en laisser pas mal sur le bord de la route, mais passionnant pour qui se sent l’âme d’un explorateur. (15.06.2008) ⍖⍖⍖
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