Il y a des albums qui n’empruntent pas la direction que l’on aurait pu croire. Ainsi, ce premier essai longue durée, après un EP en 2004 resté dans l’ornière de l’anonymat, Stormbringer (rien à voir avec Deep Purple bien entendu !), de Todesbonden dont on aurait pensé qu’il accosterait les rivages du gothic heavenly orchestral et teintée d’influences à la Dead Can Dance, ce que le pedigree de sa chanteuse, la charmante Laurie Ann Haus, qui a officié par le passé dans des formations telles que Autumn Tears ou Ephemeral Sun laissait présumer. Or ce n’est pas tout à fait le cas. Oh certains titres se rapprochent de cette description, notamment l’instrumental, « Surya Namaskara » drapé dans des parures ethniques du plus bel effet, par exemple. De même les lignes vocales de Laurie restent empruntes de cette direction artistique antérieure (« Flow My Tears »). Pourtant, à l’écoute de Sleep Now, Quiet Forest et sa flamboyante pochette aux teintes automnales, c’est plutôt vers la scène gothic norvégienne (Theatre Of Tragedy, Tristania) des années 90 que se dirigent nos premières impressions, comme l’illustre le superbe « Trianon ». Mais attention, le pompiérisme, la vulgarité parfois affichée et la médiocrité qui gangrènent désormais le mouvement ne doivent aucun cas vous détourner des Américains qui se hissent d’entrée bien au-dessus de tous ces étrons à chanteuse, y compris les meilleurs d’entre eux. Le fait que Prophecy, label intègre et passionné ait signé le groupe est un indicateur quant aux qualités dont il se pare. Sleep Now, Quiet Forest fait partie de ces disques rares qui laisse une trace indélébile dans l’histoire du genre auquel il se rattache.
Puissantes (« Surrender To The Sea ») ou calmes (« Aengus Og Fiddle », « Ghost Of The Crescend Moon »), délicates et émotionnelles toujours, ces chansons sont toutes écrites à l’encre d’un spleen à fleur de peau. A l’image du visuel qui leur serve d’écrin, elles évoquent l’automne de la vie, quand le soleil commence à mourir… Elles ouvrent les vannes d’une mélancolie infinie que la voix aux accents douloureux de la rouquine contribue à entraîner encore davantage dans les arcanes du plus profond désespoir. Comment ne pas être emporter par le torrent d’émotions que charrie le monumental « Fading Empire » ou le très beau « Sailing Alone » notamment. Il y a plus de cœur dans le court « Lullaby » (un peu plus d’une minute seulement) que dans toute la discographie du néanmoins excellent Tristania. En moins d’une heure, Todesbonden parvient à redorer le blason d’un genre à bout de souffle, gageure qu’il réussit en ravivant des oripeaux symphoniques mais jamais pompeux. Comme il n’hésite pas à recourir à des soli presque néoclassiques à la Malmsteen sur l’envoûtant « Battle Of Kadesh », qui draine en outre l’ombre de Dead Can Dance très marquée mais assimilée avec intelligence et élégance. Assurément un des Everest d’un album qui a quelque chose d’une invitation au voyage, un voyage certes miné par une tristesse absolue ce qui ne l’empêche toutefois pas d’irradier une grande beauté. Les Américains ont réussi la fusion parfait entre gothic puissant et musique éthérée, entre ambiances ethniques et mélancolie. Un joyau et certainement une des œuvres majeures de l’année 2008. (25.07.2008) ⍖⍖⍖
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