Le fait est acquis. Avec sa Panzer Division en 1999, Marduk a repoussé encore d'un cran les limites de la brutalité et de la rapidité d'exécution. Aller au-delà était impossible sous peine de se répéter. Ainsi, depuis ce méfait qui reste probablement aussi son plus célèbre, le groupe ne cesse, et non sans réussite, de s'éloigner de ce cadre, de prendre une direction inverse, quitte à perdre au fil des années une bonne partie de ses fans en route. Par conséquent, aujourd'hui la situation des Suédois tient du paradoxe : leurs derniers albums comptent parmi les meilleurs qu'ils aient jamais enfantés et pourtant nombreux sont ceux qui ne les suivent plus. Onzième pierre à son caveaux, Wormwood poursuit de fait l'évolution entamée avec Plague Angel il y a cinq ans, qui arborait, sous l'impulsion de son leader, Morgan, un autre visage de Marduk, moins sauvage, plus porté sur les ambiances bien que toujours aussi sinistre, si ce n'est davantage. L'enrôlement de Mortuus (Funeral Mist) au poste de chanteur pour remplacer un Legion pourtant très populaire auprès du public, fut le véhicule idoine permettant d'entrainer la plastique mardukienne au fin fond de méandres bourbeux. La vélocité d'antan demeure bien verrouillée dans sa geôle.
Seconde chronique du même album écrite cinq ans plus tard
La situation actuelle de Marduk est assez paradoxale. Alors que le groupe n'a sans doute jamais été aussi bon, ayant retrouvé depuis l'enrôlement de Mortuus derrière le micro plus qu'un second souffle, son âge d'or semble loin désormais, apogée atteinte en 1999 avec Panzer Division Marduk que certains ont alors décrit, à raison d'ailleurs, comme le Reign In Blood du Black Metal, sorte de mètre-étalon du genre et ultime étape avant que l'homme ne se transforme en bête. Combien sont restés bloqués sur cette période des Suédois, quitte à minimiser la valeur de leurs dernières offrandes pourtant remarquables et non moins brutales que leurs devancières. Car, nous ne le répéterons jamais assez, mais en embauchant le chanteur de Funeral Mist pour remplacer un Legion que certains Ayatollahs regretteront toujours (à tort) et en décidant de partager son bébé, la musique enfantée par Morgan a gagné en puissance sinistre, en noirceur venimeuse, vomissant des atmosphères malsaines suintant de ces lignes vocales abyssales et soulignées par de lourds mid-tempos aussi implacables que lugubres. Après deux albums passés à forger cette nouvelle identité, grand était le risque de tourner en rond, de photocopier une recette éprouvée comme cela fut le cas avec "World Funeral" qui n'apportait pas grand chose de neuf par rapport à ses aînés. Wormwood ne tombe pas dans ce piège. Quand bien même il reproduit le schéma élaboré par Plague Angel et Rom 5:12, alternant de fait saillies barbares ('Nowhere No-One Nothing') et pulsations plus reptiliennes mais néanmoins toujours haineuses ('Funeral Dawn'), ce onzième opus poursuit subtilement l'évolution mortifère à l'oeuvre depuis ces dernières années sans pour autant se répéter. Plus proche que jamais de 'Funeral Mist', Marduk s'enfonce encore plus profondément dans l'indicible et la décrépitude la plus absolue, nasse nocturne et polluée à l'image de 'Into Utter Madness', 'Whorecrown' et ses dernières mesures aux confins de l'Ambient sans oublier surtout 'To Redirect Perdition', puissante composition aux relents de miasmes malsaines. Même les titres les plus rapides se parent de touches morbides qui en brisent la linéarité attendue, ce qu'illustre 'Phosphorous Redeemer', notamment. Techniquement impérial, même en l'absence du lapin Duracel Emil Dragutinovic derrière les fûts, Marduk confirme avec ce Wormwood imparable une inspiration renouvelée. Plus équilibré et maîtrisé que ses deux prédécesseurs, il couronne un travail collégial, celui du tandem Morgan/Mortuus désormais parfaitement rôdé... Peut-être un des meilleurs albums du groupe, tout simplement. (2014 | MW) ⍖⍖⍖
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