Troisième collaboration entre Clint Eastwood et le metteur en scène Don Siegel, Les proies demeure un des films les plus singuliers du comédien et un des plus réussis également. C'est une œuvre difficile à définir : est-ce un western ? Un drame ? Un film d’horreur ? Il s’agit en fait d’un drame gothique prenant pour cadre la guerre de sécession. Plutôt osé pour l'époque, le film repose sur une construction cyclique des plus intéressantes. Il s’ouvre sur des photos en noir et blanc représentant la guerre. Puis, les teintes virent au sépia, et finalement, la couleur s’impose en même temps que le personnage joué par Eastwood, un caporal nordiste du nom de John McBurney, est retrouvé presque mort par Amy une fillette. Il se termine par la mort du militaire, empoisonné par les champignons ramassés par la même fillette. Entre les deux, Siegel livre un récit ambigu et malsain, tournant peu à peu au cauchemar. Cette impression culmine avec la scène où Martha la directrice de l’école pour jeunes filles, coupe la jambe de McBurney afin de lui éviter la gangrène mais pas seulement…Personne dans ce film n’est vraiment ce qu’il paraît être. Le soldat n’est pas le quaker ami de la nature qu’il prétend être, mais un manipulateur qui tente de charmer toutes les femmes de la maison. Dès le début, il embrasse la fillette qui l’a sauvé, puis déclare son amour à Edwina, mais charme la directrice et finit dans le lit de la délurée Carol !
De fait, le sexe imprègne tout le film. Martha a eu des rapports incestueux avec son frère, lequel à autrefois violé la domestique noire. Une relation trouble lie également la directrice avec la prude Edwina. En définitive, entre McBurney qui apparaît peu sympathique et Martha qui l’ampute (l’émascule ?) afin de se venger de ne pas être allé dans son lit, on ne sait lequel de ces deux personnages est le plus malveillant. Si le caporal semble finalement assez humain dans son antipathie, les femmes, quant à elles, qu’elles aient douze ou quarante ans, se révèlent d’une froideur terrifiante quand elles tuent l’indésirable. A la fin, le regard noir et démoniaque de Amy, pourtant si angélique au début de l’histoire, fait froid dans le dos. Au delà de la mise en scène excellente de Don Siegel dont c’est alors le film le plus maîtrisé, il faut noter la brillante composition de Clint Eastwood qui trouve en McBurney un de ses meilleurs rôles. Avec intelligence, il parvient à casser son image de héros de films d’action. En dragueur victime de son propre jeu, il campe un personnage proche de celui qu’il interprète dans sa première réalisation, Un frisson dans la nuit, sorti quelques mois plus tard. De tous les longs métrages que Clint a tourné pour Siegel, Les proies apparaît peut-être comme le plus eastwoodien . La mise en scène, la place prédominante des femmes et le thème de la petite communauté qui se retrouve transformé par l’intrusion d’un étranger, rappellent en effet nombre d'œuvres signées par le comédien depuis 1971. (2005) ⍖⍖⍖
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