KröniK | Nature Morte - NM1 (2018)


Nature Morte, qu'il ne faut pas confondre avec ses obscurs homologues russe et bolivien, est un trio français, basé plus précisément à Paris. S'il coche toutes les cases du (post) black metal moderne, tant dans la forme (musiciens dont les traits sont brouillés ou avalés par une capuche) que dans le fond (un art noir qui s'affranchit des frontières), le groupe mérite mieux que cette vitrine à la mode derrière laquelle est tapi un potentiel aussi évident qu'effronté. Que NM1 ne soit, comme son nom le suggère, qu'un premier album, ne se remarque absolument pas. En vrai, il semble être la semence de quelques mercenaires chevronnés réunis anonymement sous la forme d'un side-project, tant il parait difficile de lui trouver ces défauts, ces faiblesses qui grèvent souvent les balbutiements. Rien de tel donc, dans cet opus massif qui impressionne tout du long, d'autant plus que ses géniteurs ne cherchent pas la facilité en fouillant les ombres épaisses d'une architecture tentaculaire. Etirées, les quatre pistes galopent à travers des  paysages accidentés dont les reliefs érigent un cadre minéral que nimbe une brume mélancolique. 


Grand est aussi le risque de s'engluer dans le sirop de la mièvrerie lorsqu'on braconne sur les terres misérables du blackgaze, comme s'emploie à le faire 'Till Love Do Us Part'. La limite entre noirceur hivernale et désespoir sucré est alors ténue. Mais Nature Morte ne sombre jamais dans le second, hissant toujours les couleurs charbonneuses de la première grâce aux câbles tendus que tressent de douloureuses guitares tour à tour robustes ou plus aériennes ('Through The Perfection Of Your Nothing'). Refusant d'être inféodés à une seule chapelle, nos trois gaillards mixent la puissance émotionnelle du post rock à la furie cendreuse du hardcore, influences qu'ils injectent à un black metal aussi viscéral qu'évolutif, à l'image de ce 'Black Pram' épique et bourgeonnant, énervé et atmosphérique, dans l'arcane duquel s'accouplent obscurité et lumière, torrents de rage et élévation pointilliste, poussés par une rythmique pulsative qui creuse dans la roche froide des sillons meurtris aux allures de lèvres volcaniques. Fort de ce premier opus à la fois urbain et terreux, dont la forme trapue cache une grande richesse de ton et de traits, Nature Morte frappe d'emblée un grand coup, ouvrant un champ des possibles qui parait sans limite car l'art tellurique qu'il sculpte dépasse le simple terrain du post black, en faisant converger dans un bloc de matière brute toutes les nuances de noir. (24.01.2019 | MW) ⍖⍖⍖

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