CinéZone | Allan Dwan - Le mariage est pour demain (1955)


Tennessee's Partner a pour titres français Le mariage est pour demain ou Le bagarreur du Tennessee (pour son édition en DVD), traduction plutôt stupide qui a au moins le mérite d'illustrer l'écart qui existe entre ce que ce film a l'air d'être et ce qu'il est en vérité. Explications. De loin, ce western revêt les habits d'une simple série B, légère et assurément sans prétention, une de ces bobines pour La dernière séance, l'émission culte qui a biberonné nombre de cinéphiles français. Son auteur - Allan Dwan - et son casting paraissent en effet attester sa valeur modeste mais précieuse. De près, la réalité se révèle pourtant plus nuancée, à l'image de son titre original qui insiste non pas sur le caractère musclé du scénario mais sur l'amitié entre Tennessee et le cowboy dont on ignore d'ailleurs le nom. Ciment de l'intrigue, cette relation se veut curieuse car entre le joueur de poker cynique et le chercheur d'or adouci par une naïveté campagnarde se glisse une homosexualité diffue et néanmoins troublante au point d'éclipser l'histoire d'amour entre Tennessee et Duchesse. Difficile en effet de ne pas déceler une complicité ambigüe entre les deux personnages masculins lorsque, par exemple, Tennessee qui l'a recueilli chez lui, découvre que le cowboy, a rangé la pièce comme une amante aurait pu le faire. Couché, celui-ci est ensuite rejoint par son hôte qui s'installe au bord du lit dans une position équivoque. Cette sexualité transpire en outre de l'érotisme puissant qui se dégage de Duchesse, tenancière d'une maison de jeu au caractère bien trempé. Il faut la voir elle aussi prendre son bain, les épaules nues que drape sa crinière rousse, une jambe tendue de manière lascive. Au sommet de sa beauté, Rhonda Fleming procure à cette héroïne toute sa force volcanique. 


Pour la troisième fois après L'aigle et le vautour (1950) et L'or de la Nouvelle-Guinée (1951) et en attendant Deux rouquines dans la bagarre (1956) du même Allan Dwan, elle retrouve John Payne avec lequel elle anime un couple au charme explosif. Partenaire de Betty Grable ou de Alice Faye dans une poignée d'inodores comédies, musicales pour la plupart, impose dans les années 50 sa virilité un peu rude dans une remarquable série de films de genre, western (El Paso ville sans loi - 1949), aventures (Le trésor des Caraïbes - 1952) ou polar (Le quatrième homme - 1952) qui font le bonheur des cinéphiles. Avec Allan Dwan, il participe à un corpus filmique (Quatre étrangers cavaliers, Le bataillon dans la nuit...) où il peaufine son personnage parfois brutal, souvent mélancolique avec talent et sans trop en faire. D'une belle richesse psychologique dans sa relation entre les divers protagonistes en même temps que peinture de la ruée vers l'or et de la folie qu'elle déclenche sur les hommes, Le mariage est pour demain enchante également par sa fulgurante beauté plastique qui doit beaucoup au travail du directeur de la photographie John Alton, témoin l'image du cimetière ciselée comme un tableau d'inspiration romantique. Enfin, le réalisateur expose ses remarquables qualités techniques par de discrets mouvements d'appareils ou lors de la partie de poker qui oppose Tennessee et Reynolds avec une tension palpable qui n'a rien à envier au suspense que distillera plus tard Le kid de Cincinnati (1965) de Norman Jewison. Aux côtés de Silver Lode et de Slightly Scarlet, Le mariage est pour demain se hisse au faîte de la carrière de Dwan, ensemble de films qui par leur éclat tant visuel que psychologique, débordent largement du cadre étriqué et sous-estimé de la série B...  (29.07.2022) ⍖⍖⍖





 

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