KröniK | Nature Morte - Oddity (2023)


Au risque de se répéter, il faut rappeler que Nature Morte n'est décidément pas un groupe de (black) metal comme les autres. S'agit-il même réellement de black metal ? Les Français en respectent certains invariants, des vocalises écorchées à ces blasts éruptifs sans oublier cette mélancolie pluvieuse qui salit des compositions dont toute trace de joie est éconduite. Mais également épris de liberté, le trio fait fi du règlement imposé, aimant brouiller les pistes et suivre un chemin toujours sinueux qui ne l'entraîne jamais vraiment où on penserait le trouver de prime abord. De fait, il serait tentant d'enfermer Nature Morte dans le pré-carré de ce blackgaze intimiste auquel Alcest a fourni ses lettres de noblesse, influence que ses membres revendiquent par ailleurs. Pourtant, il y a toujours chez eux cette volonté de nous égarer, de perturber une lecture que de nombreux détails rendent difficile à cerner. Oddity ne déroge pas la règle. Il fait même plus que cela. Premier contact avec un album, sa pochette aux couleurs étonnamment vives résume à elle seule le souci constant des Français de s'affranchir des codes. La reprise (en guise de bonus) toute aussi surprenante d'une chanson des Deftones ('Fireal', extrait d'Adrenaline) pour fermer le ban, formation clairement à des années-lumière de l'univers black metal, ne dit pas autre chose. Elle révèle toutefois que les racines du groupe sont finalement sans doute moins à chercher du côté des Grands Anciens norvégiens ou autres que de la scène grunge au point de s'attribuer l'étiquette improbable d'indie metal dont il est lui-même l'inventeur. 


Le résultat est donc plus que jamais curieux sinon insaisissable. 'Bruises & Lace' affiche des traits typiquement black (voix de crapaud biberonnée au Destop, accélérations furieuses...) mais suinte un spleen grisâtre qui l'arrime au post rock cependant que sa durée généreuse (presque neuf minutes au compteur) participe d'une dimension torrentielle. Plus long encore, 'The Pier' drape d'une fragilité presque romantique un soubassement tout en âpreté. Squelettique, 'Here Come The Rain' embarque la chanteuse Cindy Sanchez le temps d'une respiration vaporeuse qu'aucune noirceur ni dureté ne viennent corrompre. Peu à peu, au gré des morceaux qui défilent, on mesure que chacun d'entre eux semble occuper une place précise et bien définie dans un ensemble qui s'écoule paisiblement mais non sans une menace sourde qui palpite sous la surface. Brillant d'une force noire expérimentale, 'New Dawn', 'Monday Is Fri Day' et 'Banquet Overflow For The Mind House' forment une sorte de triptyque qui, positionné au centre de l'écoute, en constitue le c(h)œur  en même temps que le but, la destination d'une aventure intime que le très coldwave 'Nothingness' (avec Lionel Forest en invité) paraît vouloir fermer sur une note douce quoique mélancolique avant que le terminal 'Untitled' vienne empoisonner cette conclusion en un fracas bruitiste laissant un suspens plus de questions que de réponses au sujet d'un album plus perturbant qu'il n'en a l'air. Loin des diktats et des règles imposées, Nature Morte continue de façonner son identité plus que jamais insaisissable avec Oddity, son disque le plus audacieux, mélodique, tendre parfois et pourtant non moins black metal. Là réside le paradoxe de ce groupe aussi unique que précieux. (25.09.2023 | MW) ⍖⍖

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