CinéZone | Tomu Uchida - Le détroit de la faim (1965)


Tomu Uchida compte parmi les réalisateurs importants du cinéma japonais et Le détroit de la faim parmi ses travaux les plus aboutis. Sous ses atours de polar, il ne s'agit pourtant pas à première vue du film le plus emblématique d'une œuvre socialement engagée (La terre - 1939). En vérité, création ambitieuse, A Fugitive From The Past repose sur plusieurs strates, construction qui le rend bien plus riche et complexe que ce qu'il semble être, comme le laisse deviner même sa durée longue de plus de trois heures, format étonnant pour un simple film noir. Sa première couche correspond donc justement à une enquête policière. Démobilisé, Takishi Inukai croisent la route de deux évadés de prison qui viennent de voler et de tuer un usurier. Alors qu'un typhon s'abat sur la région, ils affrontement la tempête à bord d'une barque qu'ils ont dérobée. Seul Inukai en sort vivant. Avec le magot. Parvenant à identifier les deux évadés, la police se persuade que le survivant à profiter de l'ouragan pour les liquider et garder le fruit du larcin. Commence alors une enquête qui durera plus de dix ans menée par un inspecteur tenace. 


Lorsque Inukai rencontre une jeune prostituée à qui il offre une belle somme d'argent, l'histoire bifurque alors, suivant la vie de cette femme. Cette somme lui donne la possibilité de quitter la pauvreté de son village pour s'installer à Tokyo. Mais son sauveur la hante. Le retrouver devient le but de son existence. En lisant un article de journal, elle croit le reconnaître longtemps après sous le nom de Tarumi, un riche industriel. Elle fait alors le voyage pour le rencontrer mais, pris de folie et voulant conserver ce lourd secret, il la tue. La deuxième couche réside dans la manière dont Uchida saupoudre son récit de touches sociales, brossant en creux le paysage du Japon d'après-guerre, entre pauvreté et apprentissage de la démocratie et la condition des femmes, contraintes à la prostitution. De fait, nonobstant une intrigue policière passionnante bâtie avec précision, le metteur en scène forge sous couvert d'un film policier une vaste fresque sur son pays dont il dévoile les cicatrices tant géographiques qu'humaines par le biais d'un noir et blanc lugubre. Sa troisième et dernière strate interroge enfin sur la notion de vérité. Inukai a-t-il tué ses complices comme le croit la police ou bien n'est-il punissable que pour l'argent qu'il a gardé après la tempête ? Le film ne répond pas cette question. Là réside également sa force... (30.12.2022) ⍖⍖⍖


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