Aussi surprenant que cela puisse paraître, eu égard à son affiche qui réunit, excusez du peu, Jean Gabin et Michèle Morgan, Le récif de corail a longtemps été considéré comme un film perdu. Ce n'est qu'en 2002 qu'une copie a finalement été retrouvée à Belgrade (!). Restaurée, l'œuvre a ensuite bénéficié d'une édition en DVD deux ans plus tard. Sans être indispensable, il aurait été regrettable qu'elle ne soit pas (re)découverte, ne serait-ce déjà pour le couple mythologique de Quai des brumes reformé avant de l'être de nouveau à l'occasion de Remorques (1941) de Jean Grémillon. Des trois, Le récit de corail est le moins marquant et gageons que sans Gabin et Morgan, il n'en resterait pas grand chose. Le film n'en est pas moins aussi curieux qu'intéressant. Il s'inscrit évidemment dans ce corpus cinématographique qui a façonné le mythe Gabin des débuts, gueule d'ange triste qui erre dans un univers populeux et romantique dans le but d'échapper à la fatalité.
Dans des antipodes de studio où tout le monde parle français (?) et les flics ont l'air de miliciens (formidable Pierre Renoir), il campe un de ces héros qui lui collent alors à la peau, mélancolique et traqué pour un meurtre dont on ignorera les raisons. Maladroit, le scénario découpe le récit en deux parties. A une première moitié illustrant la traversée en bateau et la découverte d'un refuge paradisiaque succède une seconde, plus réussie car centrée autour du couple vedette dont la complicité savoureuse crève l'écran. Elle, les yeux bleus comme un lac d'azur, lui, qui n'a peut-être jamais été aussi beau, incarnent des amants tragiques fuyant le passé en quête d'un bonheur simple. Semblant porter toute la tristesse dans son regard fatigué, Gabin revit au contact d'une Michèle Morgan pourtant moins glamour que dans Quai des brumes. Etonnamment, un happy-end improbable conclut ce film, l'empêchant in fine de s'élever au-dessus d'une romance dramatique. Mais il y a Gabin et Morgan, même en mode mineur et cette poésie exotique qui n'appartient qu'au cinéma français d'alors... (20.03.2023) ⍖⍖
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