CinéZone | Don Siegel - Ca commence à Vera Cruz (1949)


Il est toujours étonnant de voir comment un film peut être considéré comme mineur aux Etats-Unis et au contraire donner lieu à des analyses sérieuses en France, où les critiques sous l'influence des Cahiers du cinéma, aime déceler derrière chaque petit artisan un véritable auteur. Tel est le cas par exemple de Ca commence à Vera Cruz. Don Siegel lui-même ne le tenait pas en très haute estime, le présentant comme une modeste série B uniquement réalisée pour démontrer à la justice que la RKO employait légitimement Robert Mitchum qui végétait alors derrières les barreaux pour trafic de stupéfiants ! Siegel a dû composer avec un tournage chaotique, tournant des scènes en attendant que le grand Bob sorte de prison. Entre soleil et Tequila, tout le monde a pris du bon temps. Voilà. En France, où le cinéaste est, à juste titre, non pas perçu comme un besogneux mais comme un auteur dans le sens où il a su imposer sa marque et ses thèmes aux films qui lui sont confiés, The Big Steel se prête donc malgré son format un peu humble aux commentaires et autres exégèses dont sont friandes nos plumes cinéphiles qui ont parfois tendance à intellectualiser ce qui le ne mérite pas. 


Certes série B, bricolée à l'économie, Ca commence à Vera Cruz est pourtant un peu plus que cela, en effet. Parce qu'en dépit d'une atmosphère chaude et nonchalante, Siegel fait déjà montre (ce n'est que son troisième film) de toute la sécheresse requise dans les scènes de bagarres et de poursuites, fruit de sa longue expérience comme monteur acquise à la Warner (Gentleman Jim, Casablanca...) et ce, même si on le connaîtra plus nerveux dans les années à venir. Plans serrés ou jouant de la pénombre, sa mise en scène regorge d'idées. Parce qu'en installant son intrigue dans la moiteur du Mexique, l'œuvre écoule son canevas de film noir dans celui du film d'aventures. Parce qu'il a l'excellente idée de réunir à nouveau le couple de La griffe du passé (1947) de Jacques Tourneur, dans un registre cependant plus romantique qu'empoisonné. Parce que justement Jane Greer, quoique moins ténébreuse, campe malgré tout une femme au caractère bien trempé, dont l'intensité du regard s'oppose à la molle décontraction de Mitchum qui selon sa géniale habitude n'en fait pas de trop, c'est le moins qu'on puisse dire. Bref, c'est toute la magie des séries B de la RKO au ton et au style si particuliers. (08.05.2023) ⍖⍖


 

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