De la vie de Louis Pasteur à celle d'Emile Zola, Hollywood a très tôt été friand des récits biographiques. Musiciens et compositeurs n'ont pas échappé à l'exercice, que l'on songe à Glenn Miller (Romance inachevée d'Anthony Mann) ou Richard Wagner (Feu magique de William Dieterle). Biopic consacré à Frédéric Chopin, La chanson du souvenir est l'un d'entre eux. Charles Vidor le réalise pour la Colombia un an avant son mythique Gilda qui demeure son principal titre de gloire. Bien que salué par l'académie des oscars qui lui attribua six nominations, A Song To Remember n'emporte pourtant pas totalement l'adhésion. L'image est chatoyante, les décors délicieusement kitch (ce Paris fantasmé de cartes postales digne d'une comédie musicale), la musique, interprétée par le grand pianiste José Iturbi (et adaptée par Miklós Rózsa) mais la vie de Chopin est retracée de manière trop romancée et surtout fantaisiste. A aucun moment, le film ne parvient à saisir réellement la personnalité du compositeur polonais dans la peau duquel ne parvient jamais à entrer Cornel Wilde, comédien au demeurant sympathique dont les cinéphiles gardent avant tout le souvenir de Ambre d'Otto Preminger et de solides films noirs (La femme aux cigarettes, Association criminelle) ou d'action qu'il a parfois réalisés (La proie nue, Terre brûlée dans lequel il ne joue pas).
Sa nomination aux Oscars est surprenante tant il se montre effacé, coincé au surplus entre un Paul Muni écrasant et une Merle Oberon sombrement magnétique. Le premier campe Joseph Elsner, le mentor de Chopin, auquel le scénariste prête une importance qu'il n'a pas eu (il n'a jamais accompagné son élève à Paris), la seconde incarne une George Sand plus possessive qu'elle ne fut, à l'influence négative là encore exagérée et dont Chopin s'était séparé deux ans avant que la mort ne vienne le cueillir, contrairement à ce qui est montrée à l'écran. L'incroyable effervescence artistique dont Paris est alors l'épicentre n'est qu'esquissée, tout comme les événements qui ensanglantent la mère patrie du pianiste. (Trop) centré sur le personnage d'Elsner que phagocyte totalement Paul Muni (ceci expliquant sans doute cela), La chanson du souvenir ne dépeint donc pas de façon fidèle la vie de Chopin qu'elle relègue quasiment au second plan par surcroît. Quoique sans âme ni souffle et dont est absent de génie du musicien, il reste malgré tout un beau livre d'images qu'un Technicolor moiré rend fascinantes. (28.06.2023) ⍖⍖
Commentaires
Enregistrer un commentaire