CinéZone | Teruo Ishii - Abashiri Bangaichi (1965)


Arrimé au film de yakuza, Abashiri Bangaichi est pourtant davantage un film de prison. Son titre se réfère à une prison isolée dans la région montagneuse de d'Hokkaido, sorte de Sibérie japonaise. Tsukibana y purge sa peine mais ce n'est ni un mauvais garçon ni un bandit. Alors qu'il obtient une permission pour se rendre au chevet de sa mère malade, il est entrainé contre son gré dans l'évasion d'un détenu bien plus dangereux et brutal. S'en suit leur traque par les autorités à travers un environnement neigeux hostile. La neige et les décors qu'elle drape tel un suaire funeste forment plus qu'un simple paysage, véritable protagoniste dont le réalisateur Teruo Ishii parvient admirablement à saisir l'âpre beauté et à sculpter toute une géographique rude et inhospitalière bien qu'empreinte d'une poésie glaciale. Comme les westerns enneigés sont les plus beaux (La chevauchée des bannis), les thrillers engourdis par le froid, recouverts par ce manteau immaculé et fantomatique qui se confond avec le ciel grisâtre, le sont également. Superbes, ces images épurées en noir et blanc (on ne les imagine pas en couleurs car elles perdraient du coup leur force sinistre) d'hommes qui s'affrontent dans une forêt enneigée ou celle de ce cheval tirant un traineau que le brouillard finit peu à peu par avaler impriment dans la mémoire de durables stigmates. 


La chasse des évadés, qui en occupe la seconde partie, et qui n'est bien sûr pas sans rappeler La chaîne (1958) de Stanley Kramer, a fortement impressionné les critiques comme les spectateurs de l'époque et a contribué à l'immense succès du film aujourd'hui considéré comme un classique du cinéma nippon. Entrelacé de flashbacks, la première moitié n'est pourtant pas moins réussie, illustrant la hiérarchie des prisonniers et leurs confrontations comme une réplique en miniature et emmurée de la société japonaise. La séquence où chaque détenu se présente aux autres à tour de rôle dans une sorte d'agora que préside celui auquel ses crimes lui confère sa supériorité hiérarchique, est tout à fait admirable. Le film, premier jalon d'une longue série, lancera la carrière de Ken Takakura que Hollywood ne manquera pas d'employer à trois reprises, dans Trop tard pour les héros (1970) de Robert Aldrich, Yakuza (1974) de Sydney Pollack et Black Rain (1989) de Ridley Scott, versant occidental d'une filmographie passionnante qui reste en grande partie à déflorer. (15.08.2023) ⍖⍖


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