KröniK | Alkimista - Viagem (2024)


Entité solitaire née sous le soleil ténébreux du Portugal, nous avons découvert Alkimista en 2021 à l’occasion de Cinzas, deuxième offrande de bonne mémoire qui creusait un sillon étrange entre doom et death progressif, le tout nimbé d’une ambiance mélancolique qui doit beaucoup à la terre qui l’a vu naître. Viagem lui succède enfin. Trois années auront donc été nécessaire à Pedro Serpa pour enfanter ce troisième album au concept aussi personnel sinon cathartique qu’ambitieux. En effet, le Portugais s’est inspiré des travaux de la psychiatre Elisabeth Kübler-Ross et plus particulièrement du modèle qui porte son nom, lequel décrit les cinq étapes du deuil : le déni, la colère, le marchandage (ou négociation), la dépression et enfin l’acceptation. Ce thème commande une création dont toute trace de joie est évidemment éconduite. Il aboutit surtout à un ensemble pour le moins surprenant, autant dans la forme que dans le fond, qui pourra déstabiliser voire même décevoir l’amateur de pur doom death, genre auquel Alkmista est arrimé de façon réductrice, nous le mesurons de plus en plus. La forme est émiettée en douze titres, parfois très courts (‘Vento’, ‘Tempestade’ ou les dernières parties du triptyque ‘Cartas’). 

Le fond, quant à lui, emprunte autant aux musiques doloristes pour les vocalises d’outre-tombe et un tempo majoritairement engourdi, qu’au post metal, au gothic voire même au rock progressif (à la manière des derniers Opeth ou de Steven Wilson, témoin ce ‘O Estranho Em Mim’ tout en ambivalence soyeuse). Il en résulte un ensemble difficile à cerner comme à pénétrer, où un chant féminin mélancolique (‘Cartas Part I’, ‘Deriva’) côtoie des growls rugueux, où un titre acoustique teinté d’une tristesse crépusculaire (le poignant ‘Despedida’ qui, placé en ouverture, brouille d’emblée la vision qu’on a de cet album) s’oppose à un instrumental irrigué par une guitare d’airain (‘Tempestade’). Comme son titre le suggère, Viagem a quelque chose d’un voyage intérieur dans les replis émotionnels marqués par la douleur et contrition dont la puissance et la beauté se diffusent par petites touches pointillistes. Il traduit parfaitement par son caractère morcelé la confusion d’un esprit confronté au deuil, où les sentiments contradictoires se chevauchent, se répondent. Epaulé par divers intervenants, l’unique maître de cérémonie accouche d’une œuvre étonnamment moins funèbre que Cinzas bien que tout aussi singulière et poétique dans son expression tragique. Plus que jamais, Alkmista s’impose comme un projet à part en cela qu’il semble n’appartenir à aucun genre, à aucune chapelle, œuvre d’un artiste solitaire épris d’une liberté totale. Ce qui le rend si précieux. (25.07.2024 | LHN) ⍖⍖

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