CinéZone | Jerry Lewis - Docteur Jerry et Mister Love (1963)


D’abord associé à Dean Martin avec lequel il formera un fameux duo, Jerry Lewis fait cavalier seul à partir de 1957, en poursuivant une fructueuse collaboration avec Frank Tashlin (Trois bébés sur les bras, Un chef de rayon explosif), certainement le cinéaste qui aura le mieux su exploiter son génie comique, puis en réalisant ses propres films. Il en signera treize entre Le dingue du palace (1960) et le peu mémorable T’es fou Jerry (1983). Docteur Jerry et Mister Love est le plus illustre d’entre eux. Comme il l’avait fait sous la houlette de Tashlin avec Cendrillon aux grand pieds (1960) qui détournait le célèbre conte populaire, il s’amuse cette fois-ci à parodier le Dr Jekyll et Mr Hyde de Robert Louis Stevenson dont il offre une relecture humoristique. L’idée n’est pas nouvelle, ce qui l’est davantage – encore que Terence Fisher, dans un registre horrifique toutefois, tentait trois ans plus tôt une approche du mythe similaire avec ses Deux visages du docteur Jekyll - est la manière d’inverser la représentation du bien et du mal, du beau et du laid. Le professeur Kelp est maladroit, timide, affublé d’une voix nasillarde ridicule, au physique ingrat par surcroît mais c’est un homme bon et gentil. A contrario, Buddy Love, le crooner gommeux (inspiré de Dean martin) dans la peau duquel se transforme le docteur après avoir sifflé sa potion magique, est séduisant mais son assurance confine à l’arrogance. Il est parfaitement antipathique. 


Sur un mode certes burlesque, Jerry Lewis raille une superficialité qui loin d’avoir disparue, paraît plus tenace encore aujourd’hui à l’heure du narcissisme virtuel. Le thème de la beauté intérieur, de la bonté qui prime sur l’apparence peut sembler naïf, il est néanmoins permis de croire au conte de fée qui voit une belle jeune femme préférer un homme laid mais bon (et brillant) au bellâtre brutal et vulgaire. Dommage que cela ne se vérifie pas dans la vraie vie. Après un début hilarant où brille le talent burlesque de Jerry Lewis (les scènes à la salle de sport, au bowling ou dans le bureau du directeur de l‘université), le film s’essouffle quelque peu par la suite en changeant de ton lequel, en se faisant plus dramatique, révèle toutefois la tendresse et la véritable nature de son auteur qui au surplus démontre une maîtrise du langage cinématographique dont peu le croyait capable (confer la longue séquence qui débute par la transformation de Kemp et débouche, après une étonnante ellipse et en usant de la caméra subjective et du plan-séquence, sur l’apparition de Buddy Love). L’utilisation du Technicolor est remarquable, qui met en valeur autant la couleur des indispensables fioles du laboratoire que les yeux de Stella Stevens (qui n’apparaitra jamais aussi belle et désirable à l’écran) dont on révérait tous qu’elle tombe amoureuse de nous. Bien qu’en définitive, nous le préférons dirigé par Frank Tashlin voire même en duo avec Dean Martin (Un galop du diable, Un pitre au pensionnat…), Docteur Jerry et Mister Love demeure une excellente comédie et l’apogée de Jerry Lewis en tant qu’artiste complet dont les films suivants, Jerry souffre-douleur (1964) ou Les tontons farceurs (1965) sombreront dans la facilité. (10.12.2023) ⍖⍖⍖


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