CinéZone | Alfred E. Green - Four Faces West (1948)


Four Faces West ne paie pas de mine sous ses airs tenaces de petite série B dont il aligne de nombreux invariants : noir et blanc, metteur en scène plus technicien besogneux que véritable auteur et acteur principal très (trop) sous-estimé. D’ailleurs, ce western est resté longtemps invisible en France. Il est pourtant apprécié des connaisseurs qui lui vouent presque un culte. A raison. Il s’agit en effet d’un western très réussi et surtout franchement atypique. Le fait qu’aucun coup de feu ne soit tiré durant toute l’histoire, ce qui est assez unique dans le genre, n’est pas la seule curiosité d’un film qui fourmille de détails réalistes (le banquier captif déchaussé afin de ralentir son retour, par exemple) et de situations étonnantes. 3000 $ dollars mort ou vif (titre français de l’édition DVD stupide comme souvent) s’ouvre par le vol d’une banque mais le voleur agit seul, sans se servir de son pistolet et ne fauche que la somme dont il a besoin et qu’il a l’intention de restituer plus tard, à la manière d’un prêt. Il n’agit pas pour s’enrichir mais pour aider un proche dans le besoin. Par la suite, le récit ne cesse de bifurquer et ne suit finalement jamais le chemin attendu. La façon dont Joseph Calleia, coutumier des rôles de fourbes, est utilisé illustre bien à ce titre la propension que possède ce film à rompre avec les codes du genre. Alors qu’on guette tout du long le mauvais coup qu'on s'attend à le voir manigancer, le personnage joué par Calleia ne trahit contre toute attente jamais le héros. 


D‘ailleurs, il n’y a pas de véritables méchants dans Four Faces West, ce qui lui confère son caractère paisible, humaniste sans être toutefois larmoyant ni mielleux. Joel McCrea n’est bien sûr pas étranger à cette douceur étonnante tant il imprime à ce western dénué de violence son humanité, laquelle se trouve merveilleusement résumée par l’épisode où, bien que pourchassé par Pat Garrett (surprenante interprétation, là encore, de Charles Bickord), le héros décide de stopper sa course pour soigner une pauvre famille clouée au lit par la diphtérie, en sachant que cet arrêt le condamne fatalement à être capturé. Epaulé par la photographie rocailleuse du maître Russell Harlan, Alfred E. Green fait preuve d’une maîtrise insoupçonnée, eu égard à sa filmographie aussi touffue qu’inégale où tous les genres se côtoient, mais sans vaine ostentation mais au contraire avec une admirable humilité. Four Faces West est un beau et curieux western qu’il est impératif de découvrir et de réévaluer à sa juste (grande) valeur. (05.01.2024) ⍖⍖⍖


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