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D’une certaine manière, Quand j’étais chanteur propose une romance à l’envers. En effet alors que dans la plupart des films de ce genre, les deux personnages principaux finissent par coucher ensemble au bout de plusieurs bobines, c’est dès le début que Alain et Marion se retrouvent au lit. L’aspect sexuel expédié d’emblée, leur relation se construira sur d’autres bases. Ils se chercheront, se découvriont, s’éloigneront aussi… Leur histoire d’amour est improbable car tout les sépare. Lui est un chanteur vieillissant de bal musette, elle, agent immobilière. Jeune surtout. Mais tous les deux ont été abîmés par la vie et sont en quête de quelque chose, d’un bout de bonheur. Lui, c’est Gérard Depardieu, que nous sommes agréablement étonnés de voir dans un registre doux-amer qu’on lui connaît peu, tendre et mélancolique. Attendrissant et pathétique, il se révèle excellent dans la peau de ce crooner fatigué auquel la rencontre avec une jeune femme va rendre sa vitalité et freiner l’érosion d’une carrière qui était en train de glisser tranquillement vers une retraite forcée. Nous le découvrons capable par ailleurs de pousser la chansonnette même si l’exercice n’est en vérité pas nouveau pour lui.
Elle, c’est Cécile de France, la coupe au carré, les yeux revolver, radieuse de ce charme qui n’appartient qu’à elle. Un simple regard lui suffit pour exprimer la vaste palette de sentiments qui secouent son personnage. Le couple qu’ils forment fonctionne à merveille, il est la raison d’être de ce film dont il se veut le principal atout. Xavier Giannoli saisit leur histoire accidentée avec tact et pudeur, prenant le soin de ne jamais trop en dire, comme lors de cette très belle conclusion, muette et filmée depuis l’intérieur d’un café. On devine Alain et Marion échanger quelques mots et un baiser sur la joue. Elle s’éloigne mais finit par revenir. Ils s’enlacent et s’embrassent. Est-ce un adieu ou bien a-t-elle finalement décidé de faire quand même un bout de chemin avec cet homme qui la regarde comme aucun autre ? Chacun l’interprétera à sa guise selon que son cœur soit d‘artichaut ou pessimiste. Quand j’étais chanteur, c’est enfin la peinture, nostalgique et jamais moqueuse, d’une France un peu ringarde, celle de ces discothèques de province, de ces bals pour retraités que des artistes d’un autre âge, d’un autre temps, animent inlassablement sur des airs de variétés. Des artistes bientôt remplacés par des karaokés. C’est la France de Johnny, de Christophe (qui apparaît dans son propre rôle), une France en voie d’extinction, qui se meurt doucement. Un des plus films de Gérard Depardieu des vingt dernières années. (31.12.2023) ⍖⍖⍖
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