Mal reçu lors de sa sortie en salles, subissant en France la censure du Ministère de l’intérieur, Les guerriers de la nuit jouit aujourd’hui d’une aura culte. Qu’il ait été interdit aux moins de dix-huit ans comme un film porno n’y est sans doute pas étranger, objet de fantasmes comparables à d’autres œuvres à la réputation sulfureuse telles qu’Orange mécanique ou Massacre à la tronçonneuse. Ceux qui le découvriraient aujourd’hui risquent cependant d’être déçus, ne voyant dans The Warriors qu’une aimable balade nocturne à les travers les rues de New York. D’autres bobines de Walter Hill s’avèrent finalement bien plus violentes (citons Le gang des frères James et surtout Extrême préjudice) tandis qu’Un justicier dans la ville (1974) de Michael Winner ou le Dirty Harry (1971) de Don Siegel (pour San Francisco) ont su saisir avec bien de plus réalisme un tissu urbain grouillant de menaces. De même, la peinture des gangs semant la terreur peut prêter à sourire tant certains loubards se révèlent plus ridicules qu’inquiétants. Quant à la réflexion sociologique, elle demeure timorée sinon anecdotique.
En vérité, inspiré de l’Anabase et la retraite des Dix-Mille de Xénophon, Les guerriers de la nuit doit moins être appréhendé comme un film sur les violences urbaines que comme un jeu vidéo géant mâtiné d’opéra rock (confer la B.O. concoctée par Barry De Vorzon), sorte de West Side Story sale et brutal. Dans un New York stylisé (louons à ce titre la photographie crépusculaire de Andrew Lazlo), le réalisateur suit la traversée des Warriors, entre décors glauques et rames de métro cradingues. Si les personnages manquent d’épaisseur, ils ont au moins de vraies gueules de cinéma, celles de Michael Beck ou James Remar. Malgré ses incontestables qualités visuelles et ses affrontements presque filmés comme des ballets, le fait est que The Warriors, même en le replaçant dans le contexte de la fin des années 70, ne possède ni la force et ni la noirceur qui auraient dû être la sienne. Ce n’est pas Mad Max ni même Les guerriers du Bronx de Enzo G. Castellari, techniquement moins inspiré mais plus jubilatoire en somme en tant que série B (ou Z ?) totalement assumée. Walter Hill ne signera donc pas seulement des films plus violents que celui-ci mais surtout plus réussis tels que Le bagarreur (1975), Driver (1978), Sans retour (1981) voire même le très commercial 48 heures (1982). (13.02.2024) ⍖⍖
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